De nouvelles informations dévoilées mardi révèlent que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) s'est rendu en Egypte pour savoir si le gouvernement de ce pays détenait un ressortissant canadien, mais ne se serait pas davantage inquiété de son sort. L'homme de Toronto aurait par la suite été torturé.

C'est du moins ce que révèlent les passages d'un rapport d'enquête rendus publics mardi par une commission fédérale au sujet de la torture à l'étranger d'Ahmad El Maati et de deux autres Arabo-canadiens, Abdullah Almalki et Muayyed Nureddin.

Le gouvernement Harper tentait d'empêcher, depuis un an, la divulgation de certaines portions du document parce qu'elles pouvaient menacer la sécurité nationale.

Dans son rapport déposé en octobre 2008, l'ancien juge à la Cour suprême Frank Iacobucci concluait que les autorités canadiennes avaient contribué à la torture des trois hommes en partageant avec des services de renseignement étrangers certaines informations - notamment des renseignements sans fondement au sujet de leurs présumés liens avec des extrémistes.

Aucun de ces hommes - qui se trouvent tous au Canada aujourd'hui et nient avoir été impliqués dans des activités terroristes - n'a été accusé de quoi que ce soit. Ils auraient été torturés dans leur cellule en Syrie. Ahmad El Maati, âgé de 45 ans, aurait également été maltraité en Egypte.

Durant une conférence de presse mardi, M. El Maati a raconté que ses bourreaux lui avaient bandé les yeux, passé des menottes et donné des décharges électriques sur les mains, le dos et les parties génitales. La torture a causé beaucoup de problèmes à l'ancien camionneur, qui a de la difficulté à marcher et a subi de multiples opérations.

«Ma vie a complètement été détruite», a-t-il déclaré. «Je veux des excuses. Ils ont ruiné ma vie, je ne peux plus travailler.»

Ahmad El Maati, qui possède la double citoyenneté canadienne et égyptienne, a été arrêté en novembre 2001 à son arrivée en Syrie où sa famille et ses amis avaient prévu célébrer son mariage. Il a plutôt passé deux mois dans la fameuse prison Far Falestin à Damascus.

Les fausses confessions arrachées au détenu sous la torture ont été utilisées pour obtenir des mandats d'arrêt au Canada. En janvier 2002, il a été transféré en Egypte où il a croupi deux autres années dans des conditions que M. Iacobucci a qualifiées d'inhumaines et de dégradantes.

Dans les pages du rapport publiées mardi, l'ancien magistrat note que le SCRS avait envoyé un message aux autorités égyptiennes en juin 2002 afin de leur demander si elles détenaient M. El Maati mais sans s'informer de la manière dont il était traité. La missive affirmait aussi, entres autres choses, que l'homme était peut-être impliqué dans un complot visant à commettre un attentat terroriste en sol canadien.

Les représentants du SCRS et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ayant témoigné lors de la commission ont tous soutenu que ce n'était pas le rôle des services de renseignements ou des forces policières de s'inquiéter du respect des droits des prisonniers canadiens mais celui du ministère des Affaires étrangères. Une approche que M. Iacobucci a jugé inappropriée.

Ahmad El Maati, Abdullah Almalki et Muayyed Nureddin poursuivent les organismes fédéraux pour obtenir une compensation. En dépit des conclusions de Frank Iacobucci, Ottawa nie toute responsabilité dans l'affaire.

L'ingénieur en télécommunications Maher Arar, qui a aussi été torturé en Syrie en raison de fausses accusations de terrorisme, a reçu 10,5 millions $ et des excuses de la part du gouvernement en 2007.

En décembre dernier, la Chambre des communes a appuyé une proposition visant à dédommager les trois hommes. Les conservateurs ont toutefois refusé de soutenir la motion présentée par l'opposition.