Le ministre des Affaires indiennes «ne sait clairement pas de quoi il parle» quand il clame son impuissance face aux avis d'expulsion envoyés à 26 non-Indiens vivant en couple avec des Mohawks à Kahnawake, dénonce Ellen Gabriel, présidente de Femmes autochtones du Québec.

En point de presse, hier, le ministre des Affaires indiennes, Chuck Strahl, s'est dit «mal à l'aise» de voir que des Blancs avaient reçu un avis d'expulsion de la réserve de Kahnawake. Mais il a du même souffle avoué qu'il ne pouvait invalider cette mesure, que plusieurs experts jugent discriminatoire.«La vérité, c'est que, dans les réserves, les Premières Nations adoptent leurs politiques sur tout ce qui se passe sur leurs propres terres. Ce n'est pas la première fois que le conseil de bande prend une telle décision», a dit le ministre au cours d'un point de presse.

«Que j'aime cette décision ou pas n'a pas d'importance. Ces décisions sont prises par les Premières Nations sur leurs terres. Ce n'est pas à moi ou au gouvernement de changer ces décisions.»

Absolument faux, réplique Ellen Gabriel. Une mesure d'expulsion du genre doit être soumise au ministère des Affaires indiennes, et le ministre a le pouvoir de l'invalider - ce qu'ont confirmé à La Presse des avocats spécialisés en questions autochtones.

Fait à noter, la semaine dernière, le ministère des Affaires indiennes avait fait savoir à La Presse que, s'il ne pouvait rien contre la mesure d'expulsion, c'est que la décision du conseil de bande, à la base, ne lui avait pas été soumise.

«Il est normal que le Canadien moyen ne soit pas au courant des tenants et aboutissants de la loi sur les Indiens. C'est plus surprenant de la part du ministre lui-même», a déclaré Mme Gabriel.

La tradition mohawk ne fait pas dans les mariages arrangés, poursuit-elle. Libre à chacun de se mettre en couple avec qui il veut. «Expulser les Blancs, ça brise des familles et ça viole les droits de la personne.»

Esprit colonial

En matinée, les Femmes autochtones du Québec ont relevé par communiqué que le conseil de bande de Kahnawake avait tout faux. L'identité mohawk n'est pas menacée par une poignée de Blancs qui habitent dans une réserve, mais bien par «le racisme, le sexisme et les politiques inhumaines du gouvernement du Canada à travers sa loi sur les Indiens».

Que des autochtones eux-mêmes s'en remettent à leur tour à des histoires de codes sanguins et reproduisent l'oppression qui sous-tend la Loi sur les Indiens démontre tristement, selon l'organisme, à quel point l'esprit colonial s'est infiltré dans l'esprit de certains autochtones.

«Quand un conseil de bande continue de s'inspirer des politiques de la loi sur les Indiens, cela le rapproche de l'oppresseur et l'amène à nier le droit des membres de sa communauté à déterminer leur propre destin.»

«Nous espérons qu'une solution juste et équitable sera trouvée entre Mohawks de Kahnawake afin que chacun puisse vivre en paix et en sécurité», concluent les Femmes autochtones du Québec.