Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a accordé plus de 70 millions de dollars de contrats sans appels d'offres publics pour effectuer la surveillance de grands chantiers routiers planifiés depuis des années, et exécutés sans urgence, dans les quatre coins du Québec, l'an dernier.

Selon des données compilées par La Presse, le MTQ a attribué 22 contrats de plus de 1 million de dollars, dont les termes ont été «négociés» ou convenus «de gré à gré» entre le MTQ et les adjudicataires sans passer par un processus d'appel d'offres public, en vertu d'exceptions prévues aux règles d'attribution des contrats.

Bien que ces 22 mandats représentent une infime partie des 3877 contrats attribués par le Ministère en 2008-2009, ils totalisent plus de 18% des sommes totales versées par le MTQ en services professionnels de tous genres (ingénierie, informatique, évaluation foncière, etc.) durant une année d'investissements records sur le réseau routier du Québec.

En 2008-2009, les investissements sur le réseau routier québécois se sont élevés à plus de 2,6 milliards de dollars, dans le cadre d'un plan de redressement qui prévoit des investissements aussi importants pour les 15 prochaines années.

Au cours de cette année, le MTQ a signé pas moins de 3877 mandats pour des services professionnels, dont la valeur globale s'est élevée à près de 388 millions.

De ce nombre, seulement 64 contrats ont coûté 1 million de dollars ou plus au MTQ. L'examen de ces 64 contrats de services professionnels révèle que moins du tiers de ces contrats (20) a été accordé aux termes d'un appel d'offres ou d'une soumission publique. Un autre tiers (22 contrats) a été attribué à la suite de soumissions sur invitation. Enfin, le dernier tiers, soit 22 contrats, dont la valeur totalise plus de 70 millions (voir tableau), a été attribué sans aucun appel d'offres.

Tous ces contrats sans appel d'offres, sauf un, sont des mandats confiés à des firmes de génie-conseil. Ils prévoient la surveillance de chantiers de grande envergure: le prolongement de l'autoroute 50, entre Gatineau et Lachute, l'élargissement de la route 175, entre Québec et Ville du Saguenay, l'achèvement de l'autoroute 30, en Montérégie, ou la reconstruction des ponts Galipeault et Arthur-Sauvé, dans la région métropolitaine.

Les contrats ont été négociés directement entre le MTQ et les firmes ou les consortiums privés qui ont conçu les plans et devis de chacun de ces projets de routes ou d'ouvrages d'art.

Légal, mais critiqué

Cette pratique est permise, en vertu des règles d'attribution des contrats du MTQ. Dans son dernier rapport, rendu public le mois dernier, le vérificateur général du Québec a toutefois relevé de sérieuses lacunes dans les négociations ayant mené à la signature de contrats du même type, lors d'un examen de 35 contrats semblables signés au cours des deux années précédentes (en 2006-2007 et 2007-2008).

Ces contrats interviennent entre le MTQ et les firmes concernées, après négociation de certains paramètres, dont les honoraires, rémunérés selon un taux fixe. La négociation entre les parties porte alors sur le nombre d'heures rémunérées, par exemple, ou les conditions des mandats de surveillance, ou l'ampleur des travaux à surveiller.

Dans son rapport, le vérificateur général a toutefois relevé que dans plus de la moitié des contrats de ce type, «aucun document ne venait appuyer la façon dont les montants prévus avaient été établis», entre le MTQ et les firmes et consortiums qui obtenaient ces contrats.

Dans de nombreux autres cas, le contrat était signé avant même que le MTQ et la firme de génie-conseil ne s'entendent sur les grands paramètres du contrat.

Dans près du tiers des 35 contrats examinés, les contrats étaient conclus avant que la firme bénéficiaire ait présenté une proposition d'honoraires.

Les contrats examinés par le VGQ datent toutefois d'avant 2008-2009.

Consortiums

En 2008-2009, 5 des 22 contrats négociés directement entre le ministère et les firmes d'ingénieurs concernaient la surveillance des travaux de prolongement de l'autoroute 50, entre Gatineau et Lachute. Ces cinq contrats, accordés aux firmes Genivar et CIMA, ont totalisé environ 11,8 millions.

Trois des contrats ont été attribués aux firmes BPR, Roche et SNC-Lavalin, pour la surveillance des chantiers de la route 175, dans le parc des Laurentides. Les trois contrats ont totalisé plus de 12,6 millions.

La quasi-totalité des autres contrats de surveillance (13 sur 22) ont été attribués à des coentreprises ou des consortiums composés de deux ou trois firmes de génie-conseil. La société Genivar, qui possède des participations dans sept de ces consortiums, a été la plus active en 2008-2009. SNC-Lavalin (cinq consortiums) et CIMA (quatre consortiums) ont été les autres entreprises les plus occupées par les grands chantiers routiers du MTQ.

Un seul des contrats négociés par le MTQ ne concernait pas des travaux d'ingénierie. La numérisation des dossiers des ponts et autres ouvrages d'art du réseau routier a été réalisée par le Centre de services partagés du Québec (CSPQ), un organisme gouvernemental, au coût d'un peu plus de 5 millions, pour donner suite à une recommandation de la commission Johnson sur l'effondrement du viaduc de la Concorde, survenu en 2006.