Les chefs innus du Nord du Québec menacent de bloquer tout projet minier, hydroélectrique ou forestier de leur région s'ils ne parviennent pas à faire entendre leurs revendications auprès du gouvernement fédéral.

Accompagnés d'une soixantaine d'aînés qui ont pour certains parcouru les 1200 kilomètres qui séparent leurs communautés de la capitale fédérale, ils ont demandé en vain, jeudi, à rencontrer le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Chuck Strahl.

Ils souhaitaient lui parler des problèmes que leur occasionnent les limites territoriales séparant le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, une ligne qu'ils qualifient «d'imaginaire» et qui «ne signifie rien pour eux», puisqu'ils ont vécu de part et d'autre de ces limites bien avant la création du Canada dans sa forme actuelle.

Selon les chefs innus, leurs droits s'étendent au-delà de ces limites. Ils demandent notamment au gouvernement de Stephen Harper de s'asseoir avec le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, pour discuter des droits des Innus du Québec dans cette autre province.

Selon le chef de Matimekush-Lac John, Réal McKenzie, cela fait plus de deux ans que leurs communautés expédient des lettres au ministre des Affaires Indiennes, sans recevoir ne serait-ce qu'un accusé de réception de sa part.

«Ce n'est pas d'hier que nous voulons rencontrer le ministre», a-t-il lancé jeudi en conférence de presse à Ottawa.

Il a souligné que les actions «sérieuses» que comptent entreprendre les communautés pour faire bouger le ministre iront des barrages routiers aux procédures juridiques.

«Sans notre consentement, il ne se fera rien (en ce qui concerne) l'exploitation minière, hydroélectrique ou quoi que ce soit qui touche les ressources naturelles», a-t-il dit, rappelant au passage le grand potentiel économique du Nord.

En matinée, les chefs et leur délégation s'étaient d'abord rendus aux bureaux du ministère des Affaires indiennes, à Gatineau, dans l'espoir de pouvoir obtenir un tête à tête avec le ministre. Ils ont dû repartir bredouille, au grand regret de Marie-Marthe Gabriel, l'une des anciennes vivant dans la communauté de Schefferville, tout près des limites du Labrador.

«J'avais envie de pleurer. Ce n'aurait pas été grand-chose de venir nous voir. Je suis déçue», a soupiré la dame de 73 ans, vêtue du costume traditionnel. Elle s'est dite découragée de constater qu'elle devra faire tout ce chemin à nouveau si le ministre consent un jour à leur parler de vive voix.

Pour le chef régional du Québec pour l'Assemblée des Premières Nations, Ghislain Picard, les relations avec le gouvernement conservateur ont traditionnellement été tendues.

«Ca toujours été extrêmement difficile (...). On dirait qu'il y a une indifférence totale par rapport aux obligations du gouvernement envers les Premières Nations, et ça, c'est à l'échelle du pays», a-t-il soutenu.

Le ministre Chuck Strahl n'était pas disponible pour répondre aux questions des médias, jeudi, mais il a tout de même pu être interrogé à la Chambre des communes sur le sujet.

«Est-ce que le ministre aura la décence de rencontrer (les chefs)?», a demandé le bloquiste Marc Lemay.

Le ministre a répondu que les négociations avec le gouvernement du Québec sur les dossiers innus allaient bon train.

«Nous sommes évidemment prêts en tout temps à discuter avec le Conseil tribal Mamuitun quant aux façons d'avancer avec eux vers une sorte d'accord», a-t-il expliqué, ne faisant pas référence cependant directement au groupe en visite à Ottawa.

En entrevue téléphonique, une porte-parole du ministère n'a pas été en mesure d'affirmer si les lettres que les cinq chefs affirment avoir envoyées ont bel et bien été reçues. Elle a cependant ajouté qu'il était dans les habitudes du ministère de répondre à sa correspondance officielle.