Le Conseil du statut de la femme (CSF) presse le gouvernement Charest de donner prépondérance à l'égalité des sexes avant la liberté de religion. Car «on ouvre une boîte de Pandore» en laissant la SAAQ accéder aux demandes de ses clients qui, pour des motifs religieux, veulent choisir le sexe de leur évaluateur, estime sa présidente, Christiane Pelchat.

Selon cette avocate et ancienne députée libérale, le projet de loi 16 sur la diversité culturelle, actuellement à l'étude à l'Assemblée nationale, pourrait entraîner la multiplication de ce genre d'accommodements dans les organismes de l'État, ce qui brimerait les droits des femmes.

Depuis deux jours, le gouvernement Charest est de nouveau embarrassé par la question des accommodements raisonnables en raison de son projet de loi 16 et d'un avis rendu par la Commission des droits de la personne, qui approuve l'accommodement consenti par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).

Hier, à l'Assemblée nationale, Jean Charest a soutenu que seulement six demandes ont été formulées à la SAAQ en six mois alors que 26 000 examens de conduite ont été réalisés. «Chaque fois qu'une femme est tassée dans la fonction publique parce que c'est une femme, au nom de la religion, c'est une fois de trop. C'est la même chose pour un homme», a répliqué Mme Pelchat, interrogée par des journalistes.

Christiane Pelchat craint que l'accommodement consenti par la SAAQ n'entraîne des «dérapages». Des personnes pourraient exiger de ne pas être servies par un homosexuel pour des motifs religieux, a-t-elle dit à titre d'exemple.

Selon elle, la Commission des droits de la personne a rendu sa décision en fonction du «droit actuel», mais «c'est au gouvernement, pas aux tribunaux», de déterminer ce qui est raisonnable ou pas.

C'est pourquoi, devant la commission parlementaire, elle a demandé au gouvernement d'amender le projet de loi 16 «favorisant l'action de l'administration à l'égard de la diversité culturelle». Selon ce projet de loi, tous les ministères et les organismes devraient adopter une politique de gestion de la diversité culturelle, ce qui les amènerait à aborder la délicate question des accommodements.

Mme Pelchat déplore que le gouvernement ne fixe aucune balise. Si le projet de loi est adopté, «le port de signes religieux (par les fonctionnaires) sera-t-il autorisé, voire encouragé pour favoriser l'intégration?» s'est-elle demandé. Elle redoute que des organismes accordent le même genre d'accommodement que la SAAQ. Elle demande que le projet de loi «énonce clairement» des valeurs fondamentales: le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité de l'État et la primauté du fait français. Les demandes d'accommodement devraient respecter ces valeurs pour être acceptées.

Aux audiences de la commission parlementaire sur le projet de loi 16, la Régie de l'assurance maladie du Québec a indiqué qu'elle se rend aux demandes des personnes qui, pour des motifs religieux, veulent choisir le sexe du fonctionnaire chargé de prendre la photo qui figurera sur leur carte soleil. Elle reçoit chaque année une dizaine de demandes en ce sens à ses bureaux de Montréal.

Au cours d'un débat houleux à l'Assemblée nationale, Jean Charest a fait valoir que son gouvernement a renforcé le principe de l'égalité des sexes dans la Charte québécoise des droits de la personne. «C'était juste pour permettre au premier ministre d'entretenir son culte de la personnalité en mettant pour des millions de dollars en publicité alors que, dans les faits, ça ne veut strictement rien dire», a répliqué Pauline Marois. La chef péquiste demande que la Charte soit de nouveau amendée pour y ajouter une clause interprétative garantissant le respect de l'égalité des sexes.

Visiblement agacé par les attaques de l'opposition, Jean Charest a affirmé que l'ADQ avait «frôlé le racisme» lors d'élections partielles à Montréal et que «le PQ a l'air de vouloir le faire aussi» aujourd'hui.