Elles ont un passé et des horizons différents, mais leur envie de faire bouger les choses est la même. La Presse vous présente trois femmes de combat. Aujourd'hui, rencontre avec la Québécoise Louise Arbour qui, le cap de la soixantaine franchi, vient de prendre la tête de l'International Crisis Group. Notre journaliste l'a jointe alors qu'elle venait tout juste de s'installer dans son nouveau bureau de Bruxelles.

Louise Arbour a l'habitude des grandes batailles et des champs minés. Tour à tour juge à la Cour suprême du Canada, procureure dans divers tribunaux pénaux internationaux et haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme - un mandat secoué par la controverse -, la Montréalaise de naissance a longtemps fait de la justice son fer de lance.

 

À 62 ans, celle dont la carrière internationale a été reconnue par une panoplie de décorations aurait pu se la couler douce. Mais au lieu de contempler ses lauriers, elle a décidé de repartir à la guerre: cette fois, pour la paix.

La semaine dernière, elle a pris les rênes de l'International Crisis Group (ICG), un prestigieux groupe de recherche au conseil d'administration duquel siègent des vedettes de la diplomatie et de la politique internationale, dont l'ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, le milliardaire George Soros et l'ex-général américain Wesley Clark.

L'International Crisis Group, qui possède des bureaux partout dans le nonde, rédige des rapports sur diverses situations de conflits et émet des recommandations. Le but: éteindre les étincelles avant qu'elles ne mettent le feu aux poudres.

Jointe par La Presse dans les bureaux de Bruxelles qu'elle occupe depuis à peine une semaine, la nouvelle présidente explique que l'une de ses priorités sera de s'assurer que les rapports, largement utilisés par les médias du monde, ne restent pas lettre morte du côté politique. «Notre organisation fait d'excellents rapports, mais on doit les prendre en main et aller voir les personnes concernées pour que les choses changent», dit-elle.

Louise Arbour sait d'ores et déjà que ce travail ne sera pas de tout repos. Comme haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, ses rapports ne passaient pas comme lettre à la poste. Lorsque, en 2008, elle a décidé de ne pas briguer de second mandat, elle a admis dans des entrevues médiatiques que plusieurs pays, dont la Chine et la Russie, lui avaient donné du fil à retordre.

«Les gens ont souvent l'impression que les Nations unies ont énormément de pouvoir et que l'organisation peut aller là où elle veut, mais il y a beaucoup de contraintes politiques, administratives et de sécurité. Comme haute commissaire, il y a plusieurs pays où je ne pouvais pas me rendre, alors que l'ICG était présent sur le terrain», se rappelle-t-elle.

Louise Arbour profitera-t-elle de ce qu'elle appelle son «nouveau champ de liberté» pour reprendre d'anciens dossiers laissés en suspens lors de son mandat onusien? «Pas vraiment. Ça va être important pour moi de couper les ponts. Je ne vais pas renoncer à mes opinions en matière des droits de l'homme, mais la mission première de l'ICG est différente. Il y a des conflits où la priorité absolue n'est pas les droits de l'homme, mais plutôt la gestion politique des conflits.»

Quand on l'interroge sur les conflits qui la préoccupent le plus, on comprend vite que son coeur est toujours du côté de la population civile. La situation de la minorité tamoule du Sri Lanka après la victoire militaire, en mai, de l'armée contre les Tigres tamouls l'inquiète. «Ce n'est pas tout (pour le gouvernement sri-lankais) de gagner la guerre, il faut aussi gagner la paix. La communauté internationale doit rester très vigilante pour s'assurer que les droits fondamentaux des minorités soient respectés. Il y a encore beaucoup de réfugiés dans des camps pour lesquels le gouvernement n'accorde pas suffisamment d'accès aux organisations humanitaires», expose la nouvelle présidente de l'ICG, fidèle à ses anciennes batailles.