Le Canada va demander à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) l'ouverture de consultations avec l'Union européenne sur la décision de cette dernière d'interdire le commerce des produits dérivés du phoque, a annoncé lundi le ministre du Commerce international, Stockwell Day.

«Nous sommes déçus de cette décision. Nous croyons fermement qu'elle viole les normes de l'OMC» parce que «la chasse canadienne suit les conditions établies par l'Union européenne elle-même», a déclaré M. Day lors d'une conférence de presse.

«Il est injustifiable qu'une décision commerciale ne soit pas basée sur des faits scientifiques et pour cette raison, nous annonçons aujourd'hui que nous allons faire appel de cette décision», a-t-il ajouté.

Ce règlement est une «abomination» qui «attaque directement les cultures, les communautés et le moyen de subsistance de beaucoup de monde», a déploré l'Inuit Tapiriit Kanatami, principale organisation inuite canadienne.

Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont entériné lundi une interdiction du commerce des produits dérivés du phoque, malgré les menaces du gouvernement canadien, principal pays concerné, de saisir l'OMC.

Trois pays (Danemark, Roumanie et Autriche) se sont abstenus, tous les autres ont voté pour.

L'embargo entrera en vigueur pour la prochaine campagne de chasse, en 2010, et l'Europe n'autorisera que la vente «à des fins non lucratives» des produits provenant de la chasse traditionnelle pratiquée par les Inuits.

«Il s'agit là d'une violation des engagements de l'UE auprès de l'OMC», a estimé la ministre canadienne des Pêches, Gail Shea.

Au contraire, «le règlement a été préparé soigneusement afin de s'assurer qu'il respecte toutes nos obligations internationales», a déclaré dans un courriel à l'AFP Lutz Güllner, porte-parole de la commissaire européenne au Commerce, Catherine Ashton.

Pour Mme Shea, appuyée par la présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Mary Simon, l'UE s'est fait «influencer» par la «propagande sans fondement» des «lobbyistes professionnels anti-chasse aux phoques».

Ni protectionniste, ni discrimantoire, le règlement n'a qu'un but: «relayer la très vive inquiétude des citoyens de l'UE», s'est défendu M. Güllner, avertissant que «si d'aucuns décident de le contester à l'OMC, la Commission européenne va le défendre avec vigueur».

Les consultations à l'OMC débuteront 60 jours après la présentation de la demande canadienne, qui sera faite «au cours des prochaines semaines», a indiqué dans un communiqué le gouvernement canadien.

«S'il n'y pas d'accord, nous allons faire appel» auprès d'un groupe de règlement des différends, créé par l'OMC, a précisé M. Day.

Assurant qu'ils continueront de chasser, les Inuits canadiens ont indiqué qu'ils étudiaient également de leur côté les recours juridiques possibles.

«Les Inuits de Russie, de l'Alaska, du Canada et du Groenland sont solidaires contre (la décision de) l'UE, car nous pratiquons une chasse durable et humaine depuis des millénaires et nous continuerons à le faire», a affirmé de son côté Violet Ford, vice-président de la branche canadienne du Conseil circumpolaire Inuit, ONG représentant quelque 150.000 Inuits.

Ottawa avait autorisé cette année l'abattage de 338.000 phoques, en affirmant que la survie de l'espèce n'était nullement menacée.

En 2009, la chasse a rapporté aux chasseurs canadiens environ 10 millions de dollars, a dit M. Day, ajoutant qu'en général ces derniers tirent 25% de leurs recettes de la vente de produits en Europe.