«En 25 ans dans l'industrie touristique, je n'ai jamais rien vu de tel.»

Directeur général du Delta, rue Président-Kennedy, Alain Crevier explique que, en juin, à son hôtel, le taux d'occupation était de 10% plus bas que l'an dernier, disparition du Grand Prix oblige. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas d'éclaircie à l'horizon. «Le mois d'août s'annonce terrible aussi, les clients n'ont pas réservé», dit-il.

Les heures des femmes de chambre et des serveurs ont été réduites, mais il hésite à supprimer des postes. «Il y aura pénurie de main-d'oeuvre bientôt. Quand les affaires vont reprendre, on aura besoin d'eux.»

Depuis le début de l'année à Montréal, le taux d'occupation des hôtels est en baisse de 8%.

Et encore, ce chiffre ne rend pas compte de toute la déprime de l'industrie. Car si la baisse n'est pas plus marquée, c'est que les hôtels consentent des rabais substantiels.

Au Fairmont Le Reine Elizabeth, en juin, les chambres coûtaient en moyenne 60 $ de moins qu'en juin 2008, explique la directrice régionale des relations publiques, Johanne Papineau. «En ce moment, il y a une réelle guerre de prix. Cela fait en sorte que notre clientèle est très inhabituelle : les gens cherchent les aubaines.»

«Même les congressistes, qui se font rares, veulent payer le moins cher possible !» résume M. Crevier, de l'Hôtel Delta.

Tout est-il perdu? Danielle Chayer, vice-présidente et directrice générale de l'Association des hôteliers du Québec, note que l'été est particulièrement difficile à Montréal et à Québec parce que ces villes ciblent surtout les touristes de l'extérieur du Québec - de l'Ontario, frappée de plein fouet par le déclin du secteur automobile, ou alors des États-Unis ou de l'Europe, très marqués par la crise de façon générale.

Des vacances en région

Par contre, en région, ça s'annonce tout à fait correct. «La saison a commencé tranquillement parce que les Québécois ont de plus en plus tendance à ne prendre leurs vacances qu'en août, mais tout indique que des régions comme Charlevoix et l'Estrie s'en sortiront très bien», prévoit Mme Chayer.

Impossible de dire quel est l'effet direct de la publicité, mais le ministère du Tourisme du Québec, dès le printemps, a encouragé les Québécois à prendre leurs vacances ici. «L'idée n'est pas d'obliger qui que ce soit à rester ici, mais il est bon de rappeler aux gens que, quand ils passent leurs vacances au Québec, ils aident une industrie touristique dans laquelle travaillent 300 000 Québécois», relève Michel Couturier, directeur général du marketing au ministère du Tourisme du Québec.

Le réflexe à Montréal et à Québec : baisser les prix, ce que déconseille l'Association des hôteliers. «Si l'hôtelier loue sa chambre 169 $ habituellement et qu'il baisse son prix à 89 $, il risque d'avoir bien du mal à revenir à son prix réel, surtout si la crise se poursuit. On encourage plutôt les hôteliers à offrir une prime : une troisième nuitée gratuite, un massage, un cocktail, par exemple», dit Mme Chayer, de l'Association des hôteliers du Québec.

Ce qui complique aussi les choses, pour les hôteliers, c'est que «les gens ont de plus en plus tendance à réserver à la dernière minute, même quand ils arrivent d'outre-mer», relève Michel Couturier.

Ce qui s'essouffle particulièrement? Pour les congrès, ce n'est pas la meilleure saison, mais c'est conjoncturel, croit-on. Par contre, ce qui semble s'affirmer comme une tendance à long terme, c'est le désintérêt grandissant pour le voyage de groupe. «Les baby-boomers ne veulent plus se faire organiser! La moyenne d'âge de ces voyages de groupe est de 69 ans. C'est vous dire à quel point cette clientèle est en voie de disparition», évoque M. Couturier.

En revanche, les destinations «grande nature» sont de plus en plus populaires. Les Français ont longtemps demandé et redemanderont encore du fleuve et des baleines - si la crise finit par passer -, mais le ministère du Tourisme commence aussi à faire miroiter les paysages québécois aux Américains, qui ont longtemps eu tendance à ne faire ici qu'un petit tour, à peine un bout d'autoroute 20, sans jamais s'aventurer au-delà de Québec.

Enfin, tant à Tourisme Montréal qu'au ministère du Tourisme, on ne lésine pas sur l'opération séduction des jeunes urbains de Paris ou de Londres qui, croit-on, envisagent de plus en plus de franchir l'océan pour aller à New York. S'ils vont passer le week-end à New York, pourquoi ne viendraient-ils pas à Montréal, la prochaine fois ?