Le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) n'a pas reçu de félicitations hier pour sa gestion du dossier d'Omar Khadr. Selon un nouveau rapport d'un comité de surveillance, les agents du SCRS n'ont tenu compte ni des mauvais traitements que le jeune Canadien subissait aux mains des autorités américaines ni de son jeune âge quand ils ont décidé de l'interroger à Guantanamo Bay en 2003.

Les vidéos de ces interrogatoires ont déjà créé la controverse l'an dernier quand elles ont été rendues publiques par les tribunaux canadiens. On y voit le jeune Khadr, alors âgé de 16 ans, pleurer à chaudes larmes en expliquant qu'il ne reçoit pas l'aide médicale nécessaire pour soigner ses blessures à l'oeil et au pied. L'agent canadien dont il implore l'aide le rabroue durement.

L'ire qu'ont soulevée ces images n'a pas laissé de glace le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Au cours des derniers mois, cet organisme, composé de cinq membres du Conseil privé, a étudié le processus décisionnel qui a mené à ces interrogatoires.

«Ce que nous avons trouvé, c'est que le SCRS avait des motifs raisonnables d'aller à Guantánamo Bay pour obtenir des renseignements de sécurité. Mais en prenant cette décision, il a omis de prendre en considération l'âge de M. Khadr ainsi que les droits de la personne», a exposé hier Sacha Richard, analyste de recherche du comité.

Le SCRS de glace

Selon le rapport, le SCRS a notamment négligé de prendre en compte les différents rapports médiatiques sur les abus que subissaient les détenus de Guantánamo Bay. «Le comité n'a trouvé aucune preuve que le SCRS ait tenu compte de ces informations lorsqu'il a décidé de s'entretenir avec Khadr», peut-on lire dans le document rendu public hier. Le rapport met notamment en lumière le fait que le SCRS a dérogé à ses propres règles de confidentialité en remettant ses interrogatoires aux autorités américaines.

La question du jeune âge de M. Khadr retient aussi l'attention du comité. «En droit canadien et international, il est notoire que les jeunes peuvent jouir de certains droits fondamentaux en raison de leur statut de mineur. Le comité n'a trouvé aucune preuve que le SCRS a tenu compte de l'âge de Khadr», écrivent les membres du l'organe de supervision.

En conclusion, le comité, que préside l'ancien premier ministre manitobain Gary Filmon, recommande au SCRS de prendre des mesures pour que ses agents prennent davantage compte des droits de la personne dans l'exercice de leur travail «afin de maintenir sa propre crédibilité».

Le SCRS a réagi au rapport en notant qu'il a changé ses pratiques depuis ces interrogatoires. Cependant, le SCRS persiste et signe en affirmant qu'il ne détient aucune preuve fiable selon laquelle Omar Khadr avait été malmené à Guantánamo avant sa rencontre avec les agents canadiens.

Amnistie internationale outrée

Cet énoncé du SCRS a irrité au plus haut point la directrice générale d'Amnistie internationale, Béatrice Vaugrante. «C'est incroyable de jouer à l'autruche comme ça. Les vidéos des interrogatoires sont claires. Les avocats d'Omar Khadr sont clairs. Même le président Obama dit qu'il y a eu des abus!» s'est-elle indignée hier. Elle espère que le gouvernement Harper profitera des recommandations du comité pour émettre des directives «sans équivoque que les droits humains doivent être centraux dans les services de renseignement».

Hier, le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, a promis d'étudier attentivement le rapport de 12 pages. Le gouvernement conservateur a été maintes fois critiqué pour son inaction dans l'affaire Khadr. Fils d'un présumé membre de haut rang d'Al-Qaeda, le jeune Canadien, arrêté en Afghanistan alors qu'il était âgé de 15 ans, est le seul ressortissant d'un pays occidental toujours détenu à la base militaire américaine de Guantánamo.