Au bout du fil, Ramon Rodriguez est soulagé. Il vient tout juste de parler à son frère de 34 ans, qui vit au Honduras avec sa mère. «Dans leur région, c'est tranquille. Mais dans la capitale, il y a beaucoup d'action. Des manifestations», raconte M. Rodriguez.

Les derniers jours ont été des moments difficiles pour les Honduriens, souligne M. Rodriguez, qui est l'un des 1500 membres de la diaspora hondurienne vivant au Québec. «Toute l'armée était dans la rue, dans la ville, pour maintenir l'ordre. On espère vraiment qu'il n'y aura pas de guerre civile. Sinon, le pays va reculer de 10 ans», dit-il.

 

Si les choses tournent mal, M. Rodriguez souhaite que le Canada ouvre ses frontières aux familles des immigrants honduriens qui vivent au Canada. Car la situation politique au Honduras n'est pas simple, fait valoir l'homme, qui a immigré au Québec il y a près de 20 ans. «Certains soutiennent le président, d'autres s'opposent. Manuel Zelaya est le président. Il a été élu. Mais son référendum à la Hugo Chavez était clairement illégal. La Cour suprême lui a dit. Il n'a pas écouté.»

Sigrid Gonzalez cherchait elle aussi à joindre sa famille, oncles et tantes, à San Pedro hier. Toute la soirée hier elle a téléphoné, sans réussir à joindre quiconque. «J'ai finalement joint une cousine qui vit aux États-Unis. Elle leur avait parlé. Tout va bien.»

Mme Gonzalez, qui vit au Québec depuis 18 ans, demeure cependant très inquiète. «Le Honduras est un pays de plus en plus violent. Il y a deux ans, une de mes cousines a été enlevée et séquestrée. Nous avons dû payer une rançon. Est-ce que les derniers événements vont dégénérer en guerre civile? C'est ce qu'on croit.»

Le président ne faisait pas l'unanimité, mais le coup d'État a été une très grande surprise, dit Mme Gonzalez.

Surprise totale

La surprise a également été totale pour Arély Alavarado, psychologue hondurienne de passage au Québec pour une formation sur les droits humains à l'organisme Équitas. «On savait que quelque chose allait arriver. Mais personne ne s'attendait à un coup d'État. C'est incroyable», dit-elle.

Le coup d'État est une très mauvaise nouvelle pour la démocratie hondurienne, croit Mme Alvarado, qui dirige un organisme d'aide aux victimes de la torture à Tegucigalpa. «J'étais en désaccord avec le référendum que voulait tenir le président. C'était illégal, contre la Constitution. Mais un coup d'État, c'est encore davantage contre la Constitution.»

Elle souligne que le rapprochement du président Zelaya avec son homologue vénézuélien, Hugo Chavez, avait suscité l'inquiétude dans les milieux conservateurs du Honduras.

«C'est une usurpation de pouvoir. Nous avons connu ça au Chili, au Brésil, en Haïti. On ne veut pas de retour aux années de plomb en Amérique du Sud», lance Antonio Artuso, d'origine brésilienne, qui a lui-même quitté son pays à la suite d'un coup d'État.

M. Artuso est membre du Comité contre le coup d'État au Honduras, qui rassemble une vingtaine de personnes d'origines diverses. Le comité organisait une manifestation qui devait se tenir hier soir dans les rues de Montréal.