Après les architectes, les ingénieurs, les économistes et des médecins, c'est au tour des entrepreneurs généraux à contester le choix du Partenariat public-privé (PPP) pour construire les centres hospitaliers universitaires (CHU). Hier, le docteur Alain Vadeboncoeur, porte-parole d'une nouvelle coalition nommée «CHU sans PPP», a dit ne pas comprendre l'obstination du gouvernement à garder un mode «aussi coûteux».

Dans une lettre inédite, le président de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, Réjean Dallaire, appelle le gouvernement Charest à effectuer un virage. En vertu des PPP, les entreprises empruntent les fonds pour la construction des bâtiments publics, en deviennent les propriétaires et les louent au gouvernement pour une trentaine d'années. Mais depuis l'éclatement de la crise, les entrepreneurs sont incapables de trouver du financement à des taux avantageux, souligne-t-il.

«Il n'y a pas suffisamment de capitaux disponibles pour ce genre de risque en payant une prime raisonnable, écrit M. Dallaire. C'est la situation inverse qui prévalait en 2004 au moment où la décision de favoriser les PPP fut prise. Force est de constater que la crise actuelle invalide le critère de base du choix d'un PPP comme mode de réalisation.

«Et maintenir une forme de contrat qui ne correspond plus à la réalité dans l'espoir que la réalité future s'adaptera au contrat nous semble un pari très risqué.»

Les entrepreneurs québécois n'ont ni les capitaux requis, ni l'expérience dans les grands projets en PPP. Résultat : ce sont souvent les entreprises étrangères qui dirigent les consortiums, note le président de la Corporation. Celle-ci regroupe de gros entrepreneurs qui font partie de consortiums en lice pour la construction des centres hospitaliers. «Si tout va bien, les profits sortiront du Québec, dit M. Dallaire Si ça va mal, les entrepreneurs et nos sous-traitants ne seront pas payés.»

«Hydro-Québec réalise des milliards en travaux par année en prenant bien soin de tailler ses contrats en bouchées digérables par l'industrie de la construction, ajoute-t-il. Pourquoi Hydro-Québec n'utilise-t-elle pas le PPP? Parce que la prime rattachée à ce mode de contrat est trop élevée et que gérer le risque plutôt que de le transférer est plus efficace tant au niveau des coûts que des échéanciers.»

En conférence de presse, la coalition «CHU sans PPP» (qui regroupe plusieurs associations professionnelles et syndicats, mais pas la Corporation des entrepreneurs) a appelé le gouvernement Charest à revenir «à une approche conventionnelle résolument publique, où le gouvernement conservera toute sa maîtrise d'oeuvre, dans l'intérêt de tous et en particulier des patients», selon les mots du Dr Vadeboncoeur.

«Un hôpital est sujet à des réorganisations majeures et répétées, comme un organisme vivant, a déclaré André Bourassa, président de l'Ordre des architectes. Le mode PPP conduit à une rigidité qui rend coûteuses sinon impossibles à réaliser les améliorations requises au fil des ans.»

«On nous demande à même nos impôts de faire la mise de fonds, de garantir l'hypothèque et de rester quand même locataires, a déclaré Régine Laurent, présidente de la fédération syndicale qui regroupe la plupart des infirmières. Personne ne ferait ça d'une façon personnelle, mais on nous demande collectivement de nous embarquer dans un projet aussi fou. J'espère que le gouvernement, devant une si large coalition, va finir par écouter la voix de la raison.»