Les trafiquants de drogue de la Colombie ne reculent devant rien pour écouler leur marchandise sur le continent nord-américain. Ils vont même jusqu'à construire des sous-marins pour déjouer la vigilance des forces de l'ordre et transporter leur cargaison à bon port.

Les fonctionnaires de l'Agence des services frontaliers ont cru bon d'informer le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, de cette stratégie de plus en plus utilisée par les narcotrafiquants, dans une série de documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Les autorités américaines estiment que tout près du tiers de la cocaïne transportée par voie maritime de l'Amérique du Sud vers les États-Unis l'est désormais à bord de sous-marins de fortune fabriqués en Colombie. Rien ne laisse croire que l'un de ces sous-marins se serait rendu jusqu'aux côtes canadiennes pour le moment, indiquent les autorités canadiennes.

Ces embarcations, que l'on appelle « les sous-marins de la drogue » dans les documents obtenus par La Presse, ont plusieurs formes et sont fabriquées avec différents matériaux, notamment de la fibre de verre, du bois et de l'acier.

Ces sous-marins peuvent transporter de 10 à 15 tonnes de drogue. Une expédition peut valoir jusqu'à 400 millions de dollars.

«Bien qu'ils soient de dimensions suffisantes (jusqu'à 24 mètres de long) pour transporter de 10 à 15 tonnes (environ de 9000 à 14 000 kg) de cocaïne à la fois, ces sous-marins sont difficiles à repérer, car ils naviguent à moins de deux pieds au-dessus de la ligne de flottaison dans bien des cas. Malgré les avancées dans la technologie radar, sonar et infrarouge, la détection de sous-marins exige souvent des renseignements précis et des hélicoptères ou encore de la chance», peut-on lire dans les documents de l'Agence des services frontaliers datés du 23 janvier 2009.

Sabordage

Dans les années 90, les barons de la drogue de la Colombie avaient tenté sans succès d'acheter des sous-marins qui avaient été décrétés excédentaires par l'Union soviétique après son effondrement.

Devant cet échec, les narcotrafiquants ont décidé de confectionner eux-mêmes leurs semi-submersibles au début des années 2000, selon les autorités colombiennes. Le coût de ces petits submersibles rudimentaires peut atteindre 2 millions de dollars.

Lorsqu'elles se font épingler, les équipes occupant les sous-marins de la drogue ont ordre de les détruire pour éliminer la marchandise et toutes les pièces à conviction.

Début janvier, trois sous-marins qui avaient été détectés par les autorités américaines le long des côtes des États-Unis ont d'ailleurs été sabordés, indique-t-on dans les documents de l'Agence des services frontaliers. Les équipages ont dû être sauvés en plein océan. Les éléments de preuve n'ont pu être récupérés par les autorités américaines.

Devant l'utilisation grandissante de sous-marins de fortune pour transporter la cocaïne aux États-Unis, les autorités américaines ont adopté en septembre dernier une loi, le Drug Trafficking Vessel Interdiction Act, qui rend illégal le passage de ces petits sous-marins dans les eaux internationales. Les individus qui violent cette loi sont passibles d'une peine de prison de 20 ans et d'une amende de 1 million de dollars.

Au Canada, les autorités canadiennes ont aussi dû composer, au cours des dernières années, avec une nouvelle stratégie des trafiquants de drogues qui veulent importer leur marchandise. La stratégie est la suivante : des trafiquants achètent deux propriétés, l'une située du côté américain de la frontière et l'autre, du côté canadien. Ils creusent ensuite un long tunnel pour relier les deux propriétés afin d'importer de la drogue au Canada.

Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, William Elliott, a été informé de cette stratégie inusitée lorsqu'il a pris les commandes de la GRC.

En juillet 2005, les autorités américaines ont arrêté trois personnes de Surrey, en Colombie-Britannique, qui avaient creusé un tunnel de 360 pieds reliant une hutte de métal du côté canadien de la frontière à une maison située à Lynden, dans l'État de Washington.

Les trois hommes, Francis Devadra Raj, Timothy Woo, et Johnathan Valenzuela, ont été traduits devant les tribunaux américains.

- Avec la collaboration de William Leclerc