Le gouvernement fédéral doit prendre les moyens pour que l'aéroport de Mirabel recouvre sa tour de contrôle à défaut de quoi ses installations risquent de devenir de moins en moins sécuritaires pour les utilisateurs en plus de perdre leur attrait pour les entreprises de l'aéronautique. C'est du moins ce que soutiennent plusieurs gros acteurs importants de l'industrie aéronautique de la région de Mirabel.

L'aéroport de Mirabel s'est vu retirer sa tour de contrôle le 20 novembre dernier par la société Nav Canada, qui juge le trafic aérien insuffisant pour justifier une telle tour. En lieu et place, Nav Canada a instauré une station d'information de vol sur place (Flight Service Station en anglais - FSS). Le nombre d'employés y est passé de 22 à 7.

 

Le nombre de vols par année a diminué de façon marquée depuis que tous les vols internationaux ont été transférés de l'aéroport Mirabel à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Dorval. Nav Canada fixe à environ 20 000 par année le nombre de vols pour justifier une tour de contrôle dans un aéroport. Or, à Mirabel, le nombre de vols s'élève à quelque 15 000.

La différence entre une tour de contrôle et une station d'information de vol sur place est importante. Une tour de contrôle dirige le trafic aérien - donc peut demander à un avion de retarder son atterrissage afin de permettre à un autre aéronef d'effectuer un atterrissage d'urgence, par exemple. Mais une station de service reçoit les informations des utilisateurs qui doivent être branchés sur la même fréquence et prendre acte d'une décision d'un utilisateur en particulier.

Or, des gros joueurs de l'industrie aéronautique - Bell Helicopter, Bombardier, Pratt&Whitney, L-3 Communications - utilisent la piste de l'aéroport de Mirabel pour tester leurs produits et à d'autres fins. Ces entreprises doivent le faire tout en respectant les besoins des autres utilisateurs de la piste: des avions-cargos, des écoles de pilotage, des pilotes de CF-18 des Forces armées canadiennes, entre autres.

Et ces mêmes entreprises ont tenté de convaincre Nav Canada au cours des derniers mois de revenir sur sa décision. Mais la société refuse de bouger d'un iota, estimant que le trafic aérien ne justifie par le retour d'une tour de contrôle.

«Le nombre de vols est justifié pour évaluer les besoins d'un aéroport de Sudbury ou de Winnipeg. Mais cela ne l'est pas dans le cas de Mirabel. Nous avons des besoins uniques et nous avons besoin d'une tour de contrôle pour répondre à ces besoins. Au fil des ans, c'est devenu une infrastructure de l'industrie aéronautique», a affirmé une source bien informée.

Jugeant la situation critique, les entreprises ont décidé de faire front commun pour convaincre le ministre des Transports, John Baird, d'intervenir, a appris La Presse. Selon elles, le gouvernement fédéral doit accorder à l'aéroport de Mirabel un statut distinct en raison du nombre des utilisateurs et de leurs besoins particuliers.

Les représentants de Bombardier, Pratt&Whitney, Bell Helicopter et L3 Communications de même que ceux de Helibellule et Federal Express ont envoyé une lettre au ministre Baird le 23 avril, l'exhortant à corriger cette situation.

«La situation actuelle a un impact sur les opérations et les finances des utilisateurs de l'aéroport de Mirabel, des installations uniques qui devraient être traitées comme un atout important pour l'industrie aérospatiale du Canada. Bombardier et Pratt&Whitney sont sur le point de commencer la construction de nouvelles usines dans ce secteur», peut-on lire dans cette missive au ministre Baird.

«Par conséquent, le trafic aérien et terrestre à l'aéroport de Mirabel va augmenter davantage au cours des prochaines années et deviendra encore plus complexe. En outre, nous devons encore une fois souligner les craintes importantes en matière de sécurité ressenties par les utilisateurs depuis la fermeture de la tour de contrôle à l'aéroport de Mirabel», ajoutent les signataires de la lettre.

Selon des informations obtenues par La Presse, le bureau du ministre Baird n'a pas encore répondu à cette lettre. Hier, les représentants des entreprises n'avaient même pas reçu un accusé de réception.

Depuis la fermeture de la tour de contrôle, au moins deux «événements» qui auraient pu avoir des conséquences tragiques sont survenus.

Dès le lendemain de la fermeture, le 21 novembre 2008, des employés de L-3, qui travaillent avec les Forces armées canadiennes, ont installé un câble sur la piste d'atterrissage pour permettre à un chasseur CF-18 de s'arrêter. Au même moment, un avion-cargo de Federal Express s'apprêtait à atterrir. L'avion-cargo n'était pas au courant de l'opération en cours sur la piste et a atterri sur le câble qui n'était pas encore tout à fait fixé au sol. Le câble a frappé les ailes de l'avion, mais n'a pas causé de dommage important à l'appareil.

Quelques jours plus tard, un appareil CF-18 a percuté un vol d'oiseaux après avoir décollé. Alors que le pilote du CF-18 jonglait avec l'idée de faire un atterrissage d'urgence, un autre avion d'une école de pilotage avait informé la station d'information de vol sur place qu'il s'apprêtait à atterrir. Finalement, le CF-18 n'était pas suffisamment endommagé pour être contraint de faire un atterrissage d'urgence.

«Ce sont des événements inquiétants», a affirmé une source de l'industrie.