Brian Mulroney a décidé de déclarer les sommes reçues de Karlheinz Schreiber au fisc lorsque l'homme d'affaires germano-canadien a été arrêté à Toronto en 1999. M. Mulroney a alors joint l'un des meilleurs avocats fiscalistes au Québec, Wilfrid Lefebvre, de la firme Ogilvy Renault, et lui a confié son dossier.

Le résultat a été abordé hier à la commission Oliphant, et qualifié de «très bon marché» par le juge Jeffrey Oliphant lui-même. Cinq ans après avoir reçu quelque 225 000$ en trois paiements de 75 000$ comptant étalés sur deux ans, M. Mulroney n'a payé des impôts que sur la moitié de ces sommes, soit 37 500$, et sur une période de trois ans.L'avocat de l'ancien premier ministre, Guy Pratte, a multiplié les objections hier, tandis que celui de la commission, Richard Wolson, s'est aventuré sur ce terrain glissant dans la dernière partie de son contre-interrogatoire qui aura duré trois jours. Me Pratte a entre autres fait valoir que cette entente avait été conclue par un avocat en préservant l'anonymat de son client, comme c'est la norme dans des procédures semblables.

Le commissaire Oliphant a tenté de le rassurer. «Je ne suis pas critique envers M. Mulroney, M. Wolson non plus, a-t-il souligné. Une entente a été conclue avec les gens du fisc tant au fédéral qu'au provincial, et voici le résultat de l'entente. Point final.»

Lorsqu'il avait témoigné au comité parlementaire de l'éthique, Brian Mulroney n'avait pas précisé qu'il avait joui d'une telle entente. Il avait même laissé le député bloquiste Serge Ménard lui dire qu'il avait été «généreux avec le fisc». Il avait alors plaidé qu'il avait déclaré ses dépenses comme des revenus, quitte à payer plus d'impôts, pour éviter toute ambiguïté.

Le témoin a maintenu cette version des faits, hier. Il a été difficile pour Me Wolson d'obtenir plus de détails. Il a entre autres tenté de savoir pourquoi l'ancien premier ministre s'était prévalu du programme de divulgation volontaire, normalement réservé aux contribuables qui ont omis de déclarer certaines sommes. M. Mulroney prétend que les milliers de dollars reçus étaient des acomptes pour des services à rendre, et qu'ils ne devaient être déclarés au fisc qu'une fois le mandat terminé.

C'est l'arrestation de son partenaire d'affaires sur un mandat d'Interpol qu'il l'a convaincu d'agir, a-t-il dit pour la première fois devant la commission, hier. «Il était très clair pour moi que Karlheinz Schreiber allait créer un problème d'impôts pour Brian Mulroney, a-t-il dit. Et une personne accusée en Allemagne pour corruption, pots-de-vin, fraude et évasion fiscale n'était pas un enfant dans cette ligue. Alors, j'ai senti que c'était le début d'une menace, c'est comme cela que je l'ai perçu, et j'ai pensé qu'il serait inapproprié pour moi de maintenir une association formelle avec lui.»

Quant à la procédure suivie, a-t-il répété à plusieurs reprises, il ignorait tout des démarches entreprises par son avocat fiscaliste, puisqu'il ne s'est pas mêlé du dossier.

L'avocat de Karlheinz Schreiber, Richard Auger, prendra le relais du contre-interrogatoire ce matin. Il sera suivi par une demi-douzaine de brefs témoignages, dont celui de deux fonctionnaires du ministère fédéral du Revenu, qui seront appelés à clarifier certaines questions fiscales restées en suspens.

Vu son état de santé, Karlheinz Schreiber ne pourra vraisemblablement pas témoigner demain, comme prévu. Il a dû être opéré d'urgence à la vésicule biliaire, la semaine dernière, et il est présentement en convalescence chez lui. Par contre, son avocat pourrait quant à lui devoir plaider une requête visant à laisser son client sous le coup d'une assignation à comparaître, assurant ainsi qu'il ne soit pas extradé vers l'Allemagne par le ministre de la Justice. Rob Nicholson a promis de garder l'homme d'affaires au pays le temps que la commission chargée de faire la lumière sur ses liens commerciaux avec Brian Mulroney aurait besoin de lui.