Brian Mulroney a affirmé que ses transactions avec Karlheinz Schreiber étaient parfaitement légales, lors de la première journée de son témoignage à la commission Oliphant, hier.

Interrogé par son propre avocat pendant plus de quatre heures, l'ancien premier ministre a admis que certains aspects de ces transactions pouvaient semer le doute.

 

«J'accepte certainement que des arrangements documentés de manière inadéquate soient inappropriés pour un ancien titulaire de charge publique et doivent être évités à tout moment», a-t-il dit.

Mais «ma relation d'affaires avec M. Schreiber était légale et n'incluait aucune action fautive quelle qu'elle soit et en aucun moment de mon côté», a-t-il insisté.

M. Mulroney a fait son entrée dans la salle d'audiences hier matin accompagné de sa femme, Mila, et de deux de ses enfants. Une dizaine de ses collaborateurs de longue date étaient aussi présents pour assister à son témoignage.

La commission Oliphant a été mise sur pied pour expliquer pourquoi il a accepté entre 225 000$ et 300 000$ de l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre.

Premier paiement

À plusieurs reprises, hier, il a cherché à prendre ses distances par rapport à Karlheinz Schreiber. Il a affirmé que ses relations avec lui avant d'entrer en poste étaient inexistantes. Il a ensuite précisé que M. Schreiber n'avait jamais eu d'accès direct à lui.

«Je n'ai jamais initié une rencontre avec M. Schreiber de ma vie», a-t-il déclaré.

Cette distance ne l'a toutefois pas empêché d'accepter une première enveloppe remplie d'argent de l'homme d'affaires germano-canadien dans une chambre d'hôtel de l'aéroport de Mirabel, le 27 août 1993.

M. Mulroney affirme que Karlheinz Schreiber lui a alors remis des brochures détaillées parlant des véhicules blindés T-495 de la compagnie allemande Thyssen, qu'il représentait au Canada.

«Il m'a demandé si je croyais pouvoir l'aider à l'international. Et j'ai dit oui, je pense que c'est quelque chose pour lequel je peux me rendre utile», a-t-il expliqué.

«Alors il s'est levé, a relaté M. Mulroney, il s'est rendu à un sofa, à côté, il a ouvert une valise, il est revenu avec une enveloppe de format légal et il me l'a donnée et il m'a dit: Voici le premier paiement sur l'acompte.»

«Avez-vous ouvert l'enveloppe?» lui a demandé son avocat.

«Non», a répondu le témoin. Il a ensuite indiqué qu'il savait qu'elle ne contenait pas un chèque, à cause de sa taille.

Autres questions

Brian Mulroney a discuté d'une série d'autres points au cours de son témoignage. Il a entre autres indiqué qu'il avait toujours refusé de rendre ces paiements publics par crainte de ce qu'il a décrit comme de l'acharnement de certains médias, dont l'émission de CBC The Fifth Estate. Il n'a pas, cependant, expliqué pourquoi il avait attendu près de cinq ans pour déclarer ces paiements à Revenu Canada.

Il a ajouté qu'il n'avait jamais fait pression sur personne, incluant son ancien chef de cabinet Norman Spector, qui a pourtant témoigné il y a quelques semaines qu'il avait trouvé étrange l'intérêt marqué du premier ministre par rapport au projet Bear Head.

Il a affirmé sous serment que les centaines de milliers de dollars reçus entre août 1993 et décembre 1994 n'étaient pas pour des services rendus dans le passé, et il a juré qu'il n'avait aucun intérêt personnel par rapport à Bear Head au moment où il était en poste.

Enfin, il a contredit Karlheinz Schreiber sur un point que l'homme d'affaires germano-canadien a répété à quelques reprises, dont une fois devant la commission d'enquête: que l'ancien premier ministre manquait d'argent au moment de prendre sa retraite.

M Mulroney a expliqué qu'il siégeait à plusieurs conseils d'administration, qu'il avait été réembauché par son ancienne firme d'avocats, Ogilvy Renault de Montréal, et que des conférences qu'il donnait dans le monde pouvaient lui rapporter entre 65 000 et 70 000$ pour une demi-heure.

«On voit des suggestions absurdes de M. Schreiber partout. Elles ne méritent pas d'être honorées d'aucun commentaire sérieux», a tranché l'ex-premier ministre.

 

Des flèches contre Harper

C'est connu: les relations entre Brian Mulroney et Stephen Harper ne sont pas au beau fixe. Hier, l'ancien premier ministre n'a pu s'empêcher de lancer quelques flèches vers celui qui a mis la commission Oliphant sur pied.

«J'ai formé le gouvernement en faisant ce que j'avais promis de faire: de me faire élire au Québec et de gagner des sièges au Québec, parce que c'était la seule manière. Vous ne pouvez former un gouvernement sans sièges au Québec et si vous le faites, vous ne pouvez pas gouverner ce pays et vous ne devriez pas le gouverner», a-t-il tranché. M. Harper n'a que 10 sièges dans la province, et la popularité de son parti y décline sondage après sondage depuis les dernières élections.

«Le premier ministre a ses propres téléphonistes. Il a son propre numéro de téléphone. Les appels doivent passer par ces téléphonistes. Au moins dans mon temps. Je ne peux vous dire quel est le système maintenant, parce que je n'ai pas eu beaucoup d'appels dernièrement du bureau du premier ministre», a-t-il lancé un peu plus tard dans son témoignage, demi-sourire aux lèvres. M. Harper a interdit à son entourage d'entretenir des relations avec lui.

 

Les questions du commissaire

> En vertu du mandat qui lui a été confié par le gouvernement, le commissaire Oliphant devra répondre à 17 questions dans le rapport qu'il doit remettre avant la fin de l'année. En voici quelques-unes.

> Quelles transactions commerciales et financières ont eu lieu entre MM. Schreiber et Mulroney?

> M. Mulroney a-t-il conclu une entente alors qu'il siégeait encore comme premier ministre?

> Une entente a-t-elle été conclue par M. Mulroney alors qu'il siégeait encore comme député?

> Quels paiements ont été effectués, quand, comment et pourquoi?

> Qu'est-il advenu de l'argent?

> Ces transactions commerciales et financières étaient-elles acceptables eu égard à la position de M. Mulroney en tant que premier ministre et député ou ancien premier ministre et député?