Les systèmes de fausses factures et le blanchiment d'argent sont désormais répandus dans l'industrie de la construction, un phénomène nouveau, qui nécessite une augmentation des contrôles, estime le président de la Commission de la construction du Québec, André Ménard.

Son organisme a multiplié les contrôles. Les «profils de chantiers» permettent de vérifier le lien entre les heures déclarées et l'ampleur réelle des travaux, a indiqué jeudi M. Ménard, en entrevue à La Presse. «Il y a toutes sortes de stratagèmes qui se développent. Quand on voit des chantiers avec 20 sous-traitants... Dans la construction, les gens sont de plus en plus imaginatifs», indique M. Ménard. Dans une série de perquisitions récentes chez des entreprises de construction, la police a trouvé des systèmes de fausses factures - des fournisseurs payés pour des services fictifs, une façon pense-t-on de légitimer de l'argent venu du monde interlope.

En marge de la commission parlementaire chargée d'étudier les crédits du ministère du Travail - où le député péquiste François Rebello a placé sur la sellette la Régie du bâtiment -, M. Ménard a reconnu «avoir constaté dans l'industrie le blanchiment d'argent évoqué par les médias». «On a alimenté la police. Il y a des choses qui nous ont amenés à nous poser des questions, a-t-il indiqué. Des secteurs en particulier sont visés, la maçonnerie, les plâtriers », indique-t-il. Dans d'autres secteurs, celui des grues notamment, il faut vérifier si le temps supplémentaire déclaré correspond au temps effectué. L'économie au noir est moins présente que dans le passé. En 1994 on parlait de 1,7 milliard, maintenant «on parle de quelques centaines de millions de dollars, mais c'est un secteur propice à l'évasion fiscale», convient M. Ménard.

À la CCQ, on se prépare à devoir encadrer la sécurité pour les 100 points de vote clôturant la période de maraudage du printemps - le scrutin aura lieu du 4 au 6 juin. La CCQ a eu des échanges avec la Sûreté du Québec, a indiqué M. Ménard, pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'intimidation. Déjà minoritaire depuis 2006, avec seulement 44% des 160 500 travailleurs, la FTQ a été malmenée au cours des derniers mois dans l'opinion publique. On présume que les ouvriers qui ne vont pas voter conservent leur allégeance. Ceux qui vont voter, une personne sur dix généralement, y vont pour changer de camp. La sécurité sera assurée aux points de vote, mais personne ne peut empêcher les émissaires syndicaux « de s'installer l'autre côté de la rue pour surveiller qui va voter», convient-on par ailleurs à la CCQ.

Régie du bâtiment

Devant le ministre du Travail, David Whissell, le critique péquiste François Rebello a dévoilé une étude interne commandée par la Régie du bâtiment. La firme Efficience International constate que «les associations d'entrepreneurs, les partenaires du secteur public, l'ordre de professionnels et les groupes d'intervenants sont unanimes pour dire que la surveillance n'est pas assez active. Les témoignages sont suffisamment éloquents», constatait l'enquête réalisée en 2008.

Le document poursuit: les partenaires du secteur de la construction «expriment entre autres le manque de rigueur dans le suivi de l'inspection». Ils souhaitent «plus d'inspecteurs qualifiés dans le petit bâtiment, une plus grande fermeté de la régie quant au droit de regard, avec possibilité de sanction».

Pour le député Rebello, cette évaluation externe du travail de l'organisme «révèle d'énormes problèmes à la Régie du bâtiment».

Pour le ministre Whissell, c'est sous l'administration du Parti québécois, au moment où Diane Lemieux était au Travail, que le nombre d'inspections a été réduit à la Régie du bâtiment.

Aussi, le nombre d'inspections ne fait-il pas foi de tout. Il faut tenir compte du facteur de risque que comporte tel ou tel chantier. Cette étude date d'il y a plus d'un an, et des améliorations ont été apportées depuis, a-t-il fait valoir. «C'était le but du rapport, voir les faiblesses et travailler à l'amélioration de l'organisme. Depuis le rapport, la Régie a été dans l'action», selon le ministre.

Pour Michel Beaudoin, le président de la Régie - un ancien candidat du PLQ à Québec -, l'enquête avait été réalisée pour améliorer l'efficacité de l'organisme, il n'y a pas eu de réduction du nombre des inspections, au contraire. La Régie a mis l'accent depuis sur la formation, dans les systèmes de distribution de gaz par exemple, a-t-il fait valoir.