Le Sommet du millénaire s'est ouvert hier à Montréal. Experts et vedettes de l'aide humanitaire ont répondu à l'invitation du fondateur du Club des petits déjeuners, Daniel Germain, pour discuter de l'état du monde et de ce qu'il faut faire pour le soigner

Jadis bonne conscience de la planète, le Canada a perdu sa réputation de leader dans la lutte contre la pauvreté mondiale. De grands noms de l'aide humanitaire ont critiqué sans ménagement l'inertie d'Ottawa dans ce dossier, hier, au premier jour du Sommet du millénaire de Montréal. Un sommet où le gouvernement fédéral brillait d'ailleurs par son absence.

 

«J'ai toujours pensé que le Canada était la conscience de notre continent», a déclaré le célèbre économiste américain Jeffrey Sachs, conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

Le tout premier ouvrage sur le développement international que M. Sachs a lu, en 1969, était signé par l'ancien premier ministre Lester B. Pearson. «C'était un appel pour un partenariat économique entre pays riches et pauvres. Dès lors, j'ai considéré le Canada comme un leader mondial et une inspiration.»

M. Sachs a dénoncé hier les politiques des États-Unis qui, depuis 30 ans, sont «conçues pour les riches». L'économiste s'est ensuite inquiété du fait que cet «état d'esprit» se soit propagé au Canada. «J'ai regardé avec frustration, puis avec une inquiétude croissante, l'indifférence de mon pays (à l'égard de la pauvreté mondiale) traverser la frontière.»

Désormais, M. Sachs est loin d'être inspiré par les politiques du gouvernement de Stephen Harper. «C'est difficile de voir dans le Canada un leader comme la Norvège, un pays très petit, mais beaucoup plus actif.»

Engagement non tenu

Ces critiques ont trouvé écho auprès de Salil Shetty, directeur de la Campagne du millénaire des Nations unies. «Le Canada peut et doit faire beaucoup plus. Il n'a vraiment aucune raison de ne pas tenir son engagement de verser 0,7% de son PIB en aide humanitaire.» Un engagement pris en 1969, justement, par Lester B. Pearson. «Aujourd'hui, l'aide du Canada est moindre qu'elle ne l'était en 1969. Elle est 0,32% du PIB, ce qui est extrêmement bas.»

«Le Canada est parmi les plus riches pays du monde, il devrait faire sa juste part, a ajouté M. Shetty. Il n'en fait pas assez. En ce qui concerne l'aide humanitaire, il se trouve au 16e rang sur 22 pays développés. Il ne devrait pas être là. C'est un pays du G8. Il devrait être parmi les premiers. Mais il est au 16e rang. Ce n'est pas acceptable.»

Selon M. Shetty, «le Canada a toujours eu une sorte d'aura sur les enjeux de développement, de paix, d'environnement. Les Canadiens ont toujours été perçus comme un peuple progressif. Je pense que la plupart d'entre eux ne savent pas que leur pays a pris autant de recul. Aujourd'hui, il y a un grand fossé entre la perception et la réalité.»

Au bureau de la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, on affirme que «fournir une aide qui soit efficace, efficiente et responsable n'est pas une simple question d'argent. Il s'agit d'honorer nos engagements et de nous assurer que l'aide ait le plus gros impact possible».

«Je suis d'accord avec le gouvernement quand il dit que ce n'est pas seulement une question d'argent. Mais l'argent fait une différence», a répliqué M. Shetty.

La ministre Oda n'était «pas disponible» pour assister au Sommet du millénaire, a dit son attachée de presse, Michelle Coates. Une absence «un peu désolante», a estimé le député libéral Denis Coderre.

Selon lui, le gouvernement «n'a aucune profondeur en matière d'affaires étrangères. Dans l'opposition officielle, on a presque honte de voir à quel point le Canada a délaissé l'Afrique. Avant, 70% de l'aide était destinée à ce continent. Aujourd'hui, c'est 30%».

Ottawa n'a pas versé un sou au Sommet du millénaire de Montréal, qui en est à sa troisième présentation. De son côté, Québec a versé une contribution de plusieurs centaines de milliers de dollars pour cet événement qui réunit jusqu'à ce soir des vedettes engagées et des experts en coopération internationale.

Cette rencontre s'inspire d'un sommet tenu en 2000 par les Nations unies, où 191 chefs d'État se sont engagés à atteindre huit objectifs de développement pour réduire la pauvreté dans le monde d'ici 2015.