Pigistes utilisés de façon accrue, invasion de textes, de caricatures et de photos de différentes entreprises du groupe, mise sur pied d'une agence quelques jours avant le conflit. Depuis plus de deux mois, Quebecor recourt quotidiennement aux services de «scabs» pour alimenter le Journal de Montréal, accuse le syndicat représentant les quelque 250 employés mis en lock-out, qui a officiellement déposé une plainte ce matin devant la Commission des relations de travail.

«Quebecor n'est pas qu'illégale, son attitude est totalement immorale et méprisante à l'endroit des employés qu'elle a jetés sur le trottoir le 24 janvier, mais aussi à l'égard de ses lecteurs et de ses annonceurs », a déclaré en conférence de presse le président du syndicat, Raynald Leblanc. Fort de l'expérience du Journal de Québec, où la décision blâmant Quebecor a été rendue en décembre 2008, cinq mois après la fin du conflit, le syndicat a tenu à déposer rapidement un dossier répertoriant des cas précis. On a ainsi relevé que l'Agence QMI, d'où proviennent la plupart des textes litigieux publiés dans le Journal de Montréal, a été mise sur pied le 6 janvier dernier, peu avant la déclaration du lock-out. À l'automne 2008, Quebecor a procédé à l'embauche de dizaines de journalistes supplémentaires dans ses entreprises de presse qui alimentent l'agence QMI, peut-on lire dans le libellé de la plainte.

Le syndicat relève également que le chroniqueur Joseph Facal, qui produisait une fois par semaine un texte d'opinion, est maintenant publié deux fois par semaine. La présence quasi-quotidienne du caricaturiste du Journal de Québec, Ygreck.ca, serait également une infraction à la convention collective.

À plusieurs occasions, accuse le syndicat, on a également bafoué la répartition des territoires entre les différentes entreprises de presse de Quebecor. Il était par exemple convenu que la cérémonie des Oscars était couverte par un journaliste de Montréal. Le 17 février dernier, le Journal a annoncé qu'une journaliste du groupe Sun Media, dont il fait partie, serait déléguée à cet événement. Le même scénario s'est produit lors du lancement du film Polytechnique à Montréal, début février, alors qu'on on a délégué un journaliste du Journal de Québec dont l'article a été repris dans le Journal de Montréal.

Les méthodes de Quebecor sont « plus indirectes, plus raffinées » que lors du conflit au Journal de Québec, estime Guy Martin, du service juridique de la CSN. Quoi qu'il en soit, le recours à ces briseurs de grève « ne fait que prolonger le conflit, dit Chantal Larouche, présidente de la Fédération nationale des communications. Notre objectif, c'est de négocier. On aimerait que Quebecor soit aussi imaginatif à trouver des solutions qu'à trouver des stratagèmes pour contrevenir au Code du travail. »

Le syndicat espère obtenir une décision de la commission « d'ici un ou deux mois », précise Raynald Leblanc. Aucune rencontre de négociation n'a eu lieu depuis le déclenchement du conflit. Le conciliateur Pierre-Marc Bédard, nommé en décembre dernier, tente toujours de réunir les parties.