Les conducteurs québécois peuvent se procurer depuis hier le «permis de conduire Plus», une pièce d'identité qui leur permettra de traverser la frontière américaine à compter du 1er juin. Cette solution de rechange au passeport canadien préoccupe un chercheur, qui craint une atteinte à la vie privée.

Le «permis Plus», qui coûte 40$ de plus que le permis de conduire régulier, est doté d'une puce électronique et d'un code à barres. Ces dispositifs permettront aux douaniers américains d'avoir accès à des renseignements de base sur le voyageur, dont sa photo, son nom, sa date de naissance et son sexe.À partir du 1er juin, les Québécois qui franchissent les frontières terrestres ou maritimes des États-Unis pourront présenter ce document à la place du passeport canadien. Rappelons qu'à partir de cette date, le gouvernement américain exigera des voyageurs canadiens un passeport ou un autre document sécurisé, dont le «permis Plus».

Le Québec est la première province canadienne à mettre en place un permis de conduire à puce, a précisé hier le premier ministre du Québec, Jean Charest. La Colombie-Britannique, l'Ontario, le Manitoba et la Saskatchewan travaillent également sur des projets semblables, a-t-il indiqué.

«Ce que ça permet, c'est de la flexibilité pour les citoyens. C'est rare quand même qu'on transporte notre passeport avec nous tous les jours», a déclaré M. Charest lors d'une conférence de presse qui avait lieu au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle. Le premier ministre était entouré du consul des États-Unis à Montréal, Lee McClenny, et du président de la Société de l'assurance automobile du Québec, John Arbour.

Jean Charest a repoussé les critiques concernant la protection des renseignements personnels, affirmant que la Société de l'assurance automobile du Québec avait écouté les commentaires de la Commission d'accès à l'information à ce sujet. «On respecte l'esprit et la lettre de la loi québécoise, a-t-il déclaré. La Commission d'accès à l'information a été satisfaite des démarches qui ont été entreprises.»

La puce, qui sera lisible dans un rayon de 10 mètres, contient uniquement un numéro, a précisé Jean Charest. Ce numéro donne accès à un dossier stocké dans une banque de données gérée par l'Agence des services frontaliers du Canada, et non par les États-Unis.

Vie privée

Benoît Gagnon, chercheur associé à la Chaire du Canada en sécurité, identité et technologie, craint que les autorités américaines ne mettent sur pied leur propre base de données grâce aux renseignements fournis par les autorités canadiennes.

«Le gros point, c'est l'informatisation, a-t-il dit. Les Québécois vont donner de l'information à un gouvernement qui n'est pas le leur et qui pourra créer une certaine base de données.» Les Canadiens dont l'identité serait manipulée pourraient avoir du mal à retrouver un dossier vierge, dit-il.

Jacques Saint-Laurent, président de la Commission d'accès à l'information du Québec, admet qu'il est possible que les États-Unis mettent sur pied leur propre banque de données. «Ce serait mentir que de prétendre le contraire», a-t-il dit.

M. Saint-Laurent souligne toutefois que les douaniers auront uniquement accès aux dossiers des Québécois qui traversent la frontière. De plus, les autorités canadiennes conserveront la liste de personnes ayant consulté leur banque de données.

Pour se procurer le «permis Plus», il faut être citoyen canadien, posséder un permis de conduire valide, résider au Québec et avoir le droit de voyager à l'extérieur du Canada. La mise en oeuvre de l'opération a coûté 12,8 millions.