Un sénateur libéral, Mac Harb, a tenté mardi d'ouvrir le débat sur la chasse aux phoques en déposant un projet de loi prônant son interdiction. Sa tentative s'est toutefois soldée par un échec, puisqu'aucun autre membre de la Chambre haute n'a accepté de l'appuyer.

M. Harb, qui représente l'Ontario, espérait convaincre ses collègues de mettre fin à la chasse commerciale tout en protégeant les droits des autochtones.

Selon lui, la chasse nuit considérablement à la réputation internationale du Canada et n'est plus rentable pour les chasseurs.

« Vu le déclin du marché des produits du phoque et l'opposition internationale très vive à cette activité, il est temps que le Canada reconnaisse qu'il n'est plus possible de ranimer cette industrie moribonde», a-t-il expliqué dans un communiqué.

Ni ses arguments, ni ceux des militants contre la chasse, n'ont cependant convaincu les parlementaires canadiens qui ont choisi de laisser son projet de loi s'éteindre sans bruit.

En l'absence d'un coproposeur, le projet n'a pu être inscrit au feuilleton et ne sera vraisemblablement pas débattu de sitôt.

Selon Marc Roy, du bureau du leader de l'opposition au Sénat, la situation est inédite et personne ne sait trop comment procéder à partir de maintenant. Mais les probabilités que M. Harb ait une autre chance de présenter son idée son plutôt faibles, a-t-il indiqué.

Le Parti libéral ne fera certainement rien pour que cela se produise, puisqu'il a pour politique officielle d'appuyer la chasse aux phoques.

«Le parti croit fermement au droit des sénateurs et des députés de proposer des projets de loi d'initiative privée. Ceci étant dit, la politique du Parti libéral est tout à fait contraire au projet de loi présenté et nous ne supporterons aucunement cette initiative devant le Sénat», a déclaré M. Roy.

Les militants contre la chasse ne perdent pas espoir pour autant. L'avocat du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), Clayton Ruby, soutient que l'absence d'un coproposeur n'est qu'une «technicalité» qui sera réglée sous peu.

D'après lui, le dépôt du projet de loi de Mac Harb marque «un moment historique». «On peut enfin envisager la fin de la chasse aux phoques commerciale canadienne, a-t-il fait valoir. Le sénateur a démontré un leadership et un courage incroyables, en parlant au nom de la majorité des Canadiens sur ce sujet.»

L'IFAW, qui lutte depuis des décennies pour l'abolition de la chasse, célèbre aussi cette semaine la décision d'une commission de l'Union européenne d'imposer un embargo sur tous les produits dérivés du phoque: fourrure, suppléments alimentaires et autres.

Avant d'être en vigueur, cette interdiction devra être approuvée par le Parlement européen. Les partisans de l'embargo espèrent que ces étapes seront franchies avant la fin du mois prochain et que l'embargo partiel entre en vigueur dès cette année.

Les produits dérivés du phoque sont déjà bannis aux Etats-Unis depuis 1972 et quelques Etats de l'UE, dont la Belgique et les Pays-Bas, les interdisent aussi. Un embargo à l'échelle du continent serait toutefois beaucoup plus dévastateur puisqu'il compromettrait l'accès des chasseurs au marché de la mode.

La ministre fédérale des Pêches, Gail Shea, a promis lundi de se battre jusque devant l'Organisation mondiale du commerce pour faire annuler cette résolution.

En attendant, le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe estime qu'Ottawa devrait redoubler d'efforts pour faire connaître les faits sur cette chasse, pratiquée depuis des siècles dans le Golfe du Saint-Laurent.

«Je pense qu'il faut faire une campagne d'information large, avec les moyens requis, pour leur expliquer qu'il n'y a rien d'incorrect dans cette chasse, a-t-il déclaré mardi, à l'issue de la période des questions.

«Qu'il y ait des manteaux faits en peau de phoque, comme on porte des chaussures qui sont faites en cuir, ou qu'on mange du foie gras; je ne vois pas pourquoi les Européens ne comprennent pas ça.»La chasse aux phoques du Canada est considérée comme la plus importante du monde, pour le nombre d'animaux tués. Au cours des trois dernières années, le quota des prises de phoques a oscillé entre 270 000 et 335 000 par an. La plupart des bêtes sont âgées de moins d'un an mais ont perdu leur pelage blanc.