Pour la deuxième année consécutive, les rigueurs de l'hiver forcent le gouvernement à nourrir les cerfs de l'est du Québec. Les autorités craignent que la mort de milliers de bêtes compromette la chasse, qui génère d'importantes retombées économiques.

La couverture de neige est devenue si importante en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent que les cerfs de Virginie, communément (et erronément) appelés chevreuils, ont du mal à se déplacer. La situation est telle qu'ils dépensent plus d'énergie à chercher de la nourriture qu'ils en absorbent en la mangeant.

 

Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune a donc lancé vendredi une opération d'urgence pour nourrir les cerfs de Virginie dans le Bas-Saint-Laurent. Il a acquis 22 tonnes de moulée, que des agents de la faune et des bénévoles épandront dans l'est de la région.

«On ne souhaite jamais faire ces choses-là, reconnaît Jean Lamoureux, biologiste au Ministère. On ne les fait qu'en cas d'urgence.»

La semaine dernière, le gouvernement a lancé une opération encore plus vaste en Gaspésie, où l'on distribuera 55 tonnes de nourriture.

Les cerfs de cette région ont été rudement éprouvés par les précipitations anormalement élevées de l'hiver dernier. Le gouvernement estime que des milliers de bêtes - le quart du cheptel - sont mortes de faim ou d'épuisement en quelques mois. Les autorités avaient pourtant distribué des tonnes de moulée pour éviter l'hécatombe.

M. Lamoureux estime que, sans cette action, la moitié des cerfs de l'est du Québec auraient pu mourir l'an dernier.

«Ce n'est pas un parc d'élevage qu'on veut créer avec cela, c'est une aide, dit-il. Il reste de la nourriture en forêt pour les cerfs, mais c'est une aide qu'on leur donne pour limiter la mortalité.»

Les opérations de sauvetage dans ces deux régions coûteront plus de 65 000$. L'entreprise est financée par le gouvernement, mais aussi par des pourvoiries et des municipalités, qui souhaitent que les populations de cerfs de Virginie restent vigoureuses pour ne pas nuire à la chasse.

Au début des années 90, une succession d'hivers rigoureux avait décimé les populations de cerfs. En Gaspésie, l'espèce est devenue si menacée que les autorités ont dû interdire la chasse pendant neuf ans.

«Ce sont des régions qui dépendent de la foresterie, et on ne connaît vraiment pas les meilleures années dans ce secteur, affirme Alain Cossette, directeur de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. C'est encore plus important d'avoir des chasseurs: ça amène et maintient l'activité dans la région.»

Le gouvernement estime que la chasse sportive attire chaque année 35 000 touristes en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. Les retombées annuelles sont évaluées à 28,5 millions.