Outre les signes S.O.S. dans la neige, rien ne laissait croire que deux skieurs s'étaient perdus dans la montagne, en Colombie Britannique. N'empêche, hier, la Gendarmerie royale du Canada a fait son mea-culpa: elle aurait dû entreprendre des recherches dès qu'elle a été alertée, samedi dernier. La veille de la mort de Marie-Josée Fortin.

Le caporal Daniel Moskaluk ne cherche pas à se défiler: la GRC aurait dû entreprendre des recherches samedi dernier sur le flanc de la montagne de Kicking Horse, où des skieurs avaient signalé les lettres S.O.S. dans la neige. Elle ne l'a pas fait parce que la station de ski avait déjà enquêté sur une possible disparition, sans succès. Pourtant, la GRC a déjà lancé ses équipes de secours dans des situations semblables.

«Il y a plusieurs situations semblables où on décide de lancer des recherches», a expliqué hier à La Presse M. Moskaluk. «Nous admettons que, oui, on aurait dû faire un effort plus intense pour obtenir plus d'information à partir du moment où on a été mis au courant.» Les équipes de secours de la GRC viennent à la rescousse de sportifs en détresse environ deux fois par mois chaque hiver en Colombie Britannique.

La GRC a mandaté un enquêteur indépendant pour comprendre ce qui s'est passé.

Gilles Blackburn, 51 ans, et sa conjointe Marie-Josée Fortin, 44 ans, étaient partis pour une journée de ski le dimanche 15 février à la station Kicking Horse située à Golden, à environ trois heures de route à l'ouest de Calgary. En empruntant une piste non balisée, ils se sont égarés et n'ont pu retrouver leur chemin. M. Blackburn a été secouru neuf jours plus tard, mardi dernier. Sa femme est morte dans la nuit de dimanche à lundi.

La chaîne des événements, avant que la GRC ne soit alertée, n'est pas encore clairement établie. Selon un reportage de Sun Media, un employé en congé de la compagnie d'hélicoptères Purcell, qui transporte des skieurs dans le secteur, a été le premier à remarquer un S.O.S., le mardi 17 février. L'employé a appelé sa compagnie, qui en a informé la station de ski. Celle-ci a mené son enquête, tout en alertant la Golden Search and Rescue, l'équipe de sauvetage de la ville de Golden.

Mais selon un porte-parole de cette équipe, la société Purcell savait qu'elle devait en premier lieu aviser la GRC.

Le samedi 21 février, le même employé de Purcell a aperçu deux autres signes S.O.S. et en a averti une nouvelle fois l'entreprise. Cette fois, l'information a été relayée à la GRC.

Peu de traces

La station de ski avait déjà enquêté pour repérer un véhicule abandonné dans le stationnement, un hôtel signalant l'absence d'un voyageur ou de l'équipement loué qui n'aurait pas été rendu. Mais le couple avait réglé la note de son hôtel à Banff, avant de se rendre directement à Kicking Horse, sans passer par un nouvel hôtel. Les deux skieurs avaient payé leurs billets de remontée en argent comptant. Ils avaient leur propre équipement de ski et ne devaient rendre leur voiture que le samedi 21. Il n'est pas inhabituel que des skieurs partent pour plus d'une journée en laissant leur véhicule au stationnement.

Le couple devait rentrer à Boucherville samedi dernier. Le dimanche, sans nouvelles de leurs parents, les deux enfants ont avisé la police. La dernière trace laissée par le couple était la note réglée à Banff, le 15 février. «On savait qu'ils étaient portés disparus entre Banff et Kicking Horse. La distance de recherche était énorme !» a raconté hier à La Presse le frère de M. Blackburn, Yvon.

Deux jours se passent sans que le couple ne soit retracé. «Je vais vous dire franchement : on n'avait pas eu de nouvelles le 23, alors le matin du 24, je m'attendais à un téléphone pour me faire dire qu'ils avaient été retrouvés les deux, décédés. On savait qu'ils étaient portés disparus depuis neuf jours. Je ne pensais même pas qu'ils étaient en vie.»

Yvon Blackburn affirme avoir eu une bonne collaboration avec la GRC et faire confiance à l'enquête. Il a pu parler avec son frère, qui a maintenant quitté l'hôpital pour prendre du repos chez l'une de ses soeurs qui vit en Colombie-Britannique. Gilles Blackburn est affaibli et souffre d'engelures au pied gauche. «Mais il n'en parle même pas. Dans 15 jours, ils vont décider s'il lui amputent des orteils. Mais ce n'est pas ça le problème : c'est qu'il n'a pas réussi à sauver sa femme.»

Marie-Josée Fortin n'est pas morte d'hypothermie, dit Yvon Blackburn. La famille attend les résultats de l'autopsie, qui doit être pratiquée aujourd'hui. «Tout ce qu'on sait, c'est que son système s'est mis à mal fonctionner à partir du vendredi. Elle s'est plainte de douleurs à l'estomac, et ça a causé son décès dimanche soir. Mon frère m'a dit qu'elle avait arrêté de respirer.»

Le couple s'est nourri des deux barres granola qu'il avait emportées pour la journée de ski ainsi que de feuillage. Il s'était construit une hutte et dormaient sur des branches de sapin. «Et il y a eu des loups tous les soirs, dit Yvon Blackburn. Mon frère a enlevé les paniers de ses bâtons de ski pour pouvoir se défendre s'ils approchaient trop près.»