Après maintes tentatives restées sans suite, Québec a enfin décidé d'implanter des radars photo sur les routes de la Belle Province pour forcer des changements de comportement et améliorer le bilan routier désastreux des automobilistes québécois.

Le gouvernement du Québec justifie sa démarche par des questions de sécurité. Ses opposants dénoncent des taxes déguisées. Les cinémomètres sont-ils des «machines à imprimer de l'argent» ou des solutions technologiques pour sauver des vies?

Une nouvelle ère de surveillance à distance s'ouvrira sur le réseau routier du Québec, le 19 mai prochain. Quinze «mouchards» électroniques seront alors installés pour contrôler le respect des limites de vitesse et des feux rouges, à Montréal et dans les régions de la Montérégie et de Chaudière-Appalaches.

La ministre des Transports du Québec, Julie Boulet, a affirmé hier que les 15 radars photo installés permettront de vérifier les limites de la technologie et les impacts concrets de ces systèmes de surveillance sur le bilan routier de chacune des routes et des intersections sous surveillance (voir liste ci-contre) dans le cadre d'un «projet-pilote» de 18 mois.

>>> Consultez les cartes montrant l'emplacement des radars photo

Après une période de grâce de trois mois au cours desquels les automobilistes pris en faute ne recevront qu'un avertissement, les délinquants de la route pourraient recevoir des amendes de 100 $ à 200 $ pour un feu rouge grillé ou des infractions pouvant atteindre plusieurs centaines de dollars, pour des excès de vitesse, à partir du 19 août prochain.

Les amendes pour les infractions liées à la vitesse seront les mêmes que pour les billets reçus des mains d'un policier, et augmenteront selon l'écart entre la vitesse limite et la vitesse enregistrée par le véhicule, au moment de l'infraction.

Par contre, les délinquants ne se verront pas attribuer des points d'inaptitude pour les infractions constatées par les radars photo.

Rapport complet

La ministre Boulet s'est engagée hier à soumettre un rapport complet du projet au gouvernement et à l'Assemblée nationale le 19 août 2010, un an après le début de la mise en oeuvre du projet. Elle a de même confirmé que si l'expérience s'avère positive sur le plan de la réduction des infractions et des accidents, des centaines d'appareils pourraient apparaître rapidement sur les routes provinciales et municipales au cours des prochaines années.

Pendant la durée du projet-pilote, le produit de toutes les amendes sera versé à un Fonds de la sécurité routière pour financer des investissements qui amélioreront le bilan routier.

Plusieurs municipalités qui voyaient dans ces radars photo une source de revenus intéressante en seront ainsi pour leurs frais, puisque les appareils installés en milieu urbain ne généreront aucun revenu pour les villes.

Selon le MTQ, la fabrication, l'installation et l'entretien des tours de radars photo et des autres cinémomètres qui seront déployés sur le réseau routier, ont été réalisés par la firme CGI, au coût de 6,6 millions. Le ministère estime que les amendes perçues à l'aide des radars photo devraient permettre au projet-pilote de s'autofinancer.

À ces coûts de quincaillerie s'ajouteront aussi les salaires des agents de la Sûreté du Québec et du Service de police de ville de Montréal affectés au Bureau des infractions et des amendes (BIA).

Ces policiers ont soutenu hier que les responsables du projet-pilote devront réviser «à la main» toutes les infractions signalées par les appareils électroniques. Les photos prises, selon le ministère, ne permettront pas d'identifier les conducteurs ou toute autre personne prenant place dans le véhicule.

L'infraction sera signifiée par la poste au propriétaire du véhicule, identifié par son numéro d'immatriculation, et non pas nécessairement à la personne qui était au volant au moment de l'infraction. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on ne décernera pas de points d'inaptitude pour ces infractions - une telle sanction aurait exigé l'identification formelle du contrevenant.

Système éprouvé

La ministre Boulet a insisté à maintes reprises, hier, sur les objectifs de ce projet, qui vise d'abord et avant tout à améliorer le bilan routier du Québec, et non à fournir des nouveaux revenus au gouvernement ou aux municipalités.

Ainsi, pour dissiper la perception que ces radars photo sont autant de pièges pour faire payer les automobilistes, les usagers de la route seront prévenus d'avance - à un kilomètre de distance - de leur passage dans une zone surveillée. Un panneau routier signalera donc l'entrée et la sortie des zones de radar, ou la présence d'une intersection avec feux rouges faisant l'objet d'une surveillance électronique.

En France, où ces dispositifs ont été implantés depuis le début des années 2000, on estime qu'environ 9800 vies ont été sauvées par la réduction globale de la vitesse sur les routes enregistrée entre 2002 et 2007.

En 2007, 607 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route au Québec. À titre comparatif, si le nombre de décès pour 100 000 habitants était semblable à ceux des Pays-Bas, de la Suède ou de la Grande-Bretagne, on n'enregistrerait qu'entre 331 et 493 décès par année sur les routes de la Belle Province, au lieu des 600 à 700 par année.