Les scanners à ondes millimétriques et autres technologies du même genre sont loin de faire l'unanimité en Europe et aux États-Unis, où ils ont fait boule de neige depuis deux ans. En sera-t-il de même au Canada?

Au Parlement européen, en novembre, la vive opposition de députés à ces «fouilles à nu virtuelles» a forcé la Commission européenne à mettre sur la glace temporairement son projet de les étendre à l'ensemble du continent.

 

«Ces appareils permettent de voir jusqu'aux parties génitales des passagers ou si une femme a de gros ou de petits seins», s'était indigné un élu social-démocrate allemand, Wolfgang Kreissl-Dörfler, au cours de débats houleux

à Genève, en octobre.

La décision de la Commission européenne a du même coup fait dérailler un projet pilote qui devait débuter à Nice, et qui a déjà beaucoup fait parler de lui dans la presse française.

Déferlante aux États-Unis

Mais l'opposition des députés européens n'a pas eu raison des appareils déjà installés dans plusieurs pays, dont les Pays-Bas, l'Espagne et le Royaume-Uni.

Même chose aux États-Unis, où l'appareil est désormais à l'essai dans 18 aéroports malgré la vive opposition de la puissante American Civil Liberties Union, qui l'a qualifié d'«humiliant» et de «contraire à la dignité humaine».

Ces essais ont commencé au début de 2007 à Phoenix, avec une machine à rayons X appelée le backscatter. Puis, l'appareil à ondes millimétriques a fait son entrée au même aéroport en octobre 2007.

Il est désormais présent aux quatre coins du pays, dans des aéroports comme JFK à New York, MacCarran à Las Vegas et l'aéroport international de Miami.

Contrairement à l'ACSTA, qui ne fournit pratiquement aucune information sur le projet pilote qu'elle a dirigé au Canada, la Transportation Security Administration américaine a mis en ligne plusieurs pages de renseignements sur les essais qu'elle mène.

Malgré tout, des doutes subsistent. «J'espère seulement que les images ne se retrouveront pas sur l'internet un jour», a déclaré le directeur du Electronic Privacy Information Center, Marc Rotenberg.

Et le Canada?

On ignore pour l'instant si le Canada emboîtera le pas aux autres pays: l'ACSTA en est à rédiger un rapport sur son expérience.

Mais Stéphane Leman-Langlois, criminologue à l'Université de Montréal et spécialiste des questions de surveillance et de sécurité, croit d'ores et déjà que le dossier ne fera pas autant de vagues ici qu'ailleurs dans le monde.

«On a accepté assez facilement que des drones Predator patrouillent la frontière canado-américaine.

On a accepté assez rapidement les dispositifs biométriques dans les aéroports, les speed pass, ces choses-là... On va accepter le scanner à ondes millimétriques assez facilement aussi», dit-il.

«Les Canadiens s'en font assez peu pour les questions de vie privée, constate le professeur. À moins qu'il y ait un risque pour la santé!»

Or, la santé ne semble pas être la préoccupation principale face à ces appareils: le fabricant L3 Communications affirme que les ondes émises par ces scanners sont 10 000 fois moins puissantes que celles d'un téléphone cellulaire.

Néanmoins, les parlementaires canadiens pourraient un jour avoir leur mot à dire sur l'implantation de la technologie au pays, à l'instar de leurs confrères européens. Pour l'heure, seul le NPDavoulu s'aventurer dans ces eaux incertaines.

«La commissaire à la protection de la vie privée doit comparaître au comité de l'éthique de la Chambre des communes tout juste après la pause (de cette semaine), et je pense que c'est un sujet sur lequel nous devrons la questionner: quelle approche entend-elle prendre sur ce nouvel appareil de détection?» a déclaré Bill Siskay, porte-parole néo-démocrate en matière de vie privée.

«Je suis préoccupé parce que je ne crois pas que chaque technologie soit nécessairement une bonne technologie ou une technologie que l'on doit utiliser. Ce n'est pas parce qu'on peut le faire que l'on doit nécessairement le faire», a-t-il avancé.

 

LES SCANNERS MIS À NU

Coût: 170 000$ - 200 000$.

Nombre d'appareils en circulation: 100, selon L3 Communications, fabricant de l'appareil testé par le Canada. Ce nombre n'inclut pas les scanners des autres fournisseurs d'appareils du même type. Le journal Libération en évaluait le nombre total à 150 en octobre dernier.

Nombre de pays où on les retrouve: une dizaine, dont les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Mexique, le Japon, l'Espagne et la Russie.

Types de technologies: Deux principaux. Le backscatter et le scanner à ondes millimétriques. Tous deux font rebondir des ondes sur le corps (rayons X dans le cas du premier) pour créer son image sur un écran et faire apparaître ce qui serait dissimulé sous les vêtements.