Quand Michel signe un consentement à l'adoption pour son fils, en 2001, il sait parfaitement ce qui attend son petit François, âgé de 2 ans. Il le sait, parce qu'il l'a lui-même vécu. Michel a lui-même été adopté, 25 ans plus tôt, par Pierrette et Frank, alors qu'il avait 9 ans.

L'expérience de Pierrette et Frank avec Michel a été difficile. À son arrivée chez eux, Michel était gravement perturbé. Il avait vécu des abus, du rejet. À l'adolescence, le jeune est devenu un grand consommateur de drogue. Son couple avec une jeune femme, qui est rapidement tombée enceinte, n'a pas duré. Et le petit François, 9 mois, s'est retrouvé sous la protection de la DPJ.

 

L'adoption de François, par un couple qui a eu recours aux services de la banque mixte, s'est infiniment mieux déroulée. François, qui est arrivé tout petit dans la famille d'Isabelle et Vincent, est aujourd'hui un enfant épanoui et enjoué qui se développe normalement.

L'histoire de François et de plusieurs autres enfants qui ont vécu l'adoption grâce au programme de banque mixte est racontée dans un ouvrage de Louise Noël, qui vient tout juste de paraître. Dans Récits d'adoption, la travailleuse sociale qui oeuvre au Centre jeunesse de Montréal raconte les histoires de familles d'accueil et d'enfants adoptés. L'ouvrage évoque franchement les joies, mais aussi les difficultés de l'adoption au Québec.

«On peut avoir des enfants aussi hypothéqués à l'adoption internationale qu'en adoptant au Québec. Mais en ayant recours à la banque mixte, on a probablement beaucoup plus d'informations sur le passé de l'enfant», dit-elle. Mais, admet-elle, l'immense différence entre les deux modes d'adoption est la durée du séjour dans la famille avant que l'enfant soit adopté. En moyenne, les parents qui accueillent un enfant grâce au programme banque mixte doivent attendre trois ans avant que l'enfant devienne légalement le leur.

Entre-temps, ils doivent accepter que le lien avec les parents d'origine soit maintenu. Les contacts entre parents biologiques et enfants sont souvent maintenus jusqu'à ce que l'enfant devienne légalement adoptable.

Dans le cas de François, il a fallu beaucoup de délicatesse à la mère d'accueil pour écrire une lettre à Michel, où elle lui demandait de cesser les contacts avec son fils, car ces visites le perturbaient. «Ça demande un grand respect de la part des parents adoptants. Cet enfant-là a un vécu avant eux et ils doivent être capables de vivre avec ça», dit Louise Noël.

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Récits d'adoption, de Louise Noël, a été publié chez Béliveau éditeurs.