Quand André Larocque a adopté son fils Stéphane, en 1980, la Loi sur la protection de la jeunesse en était à ses premiers balbutiements. Les autorités religieuses géraient encore, en partie, l'adoption des enfants québécois, ce qui a considérablement compliqué la tâche d'André Larocque. Il a dû convaincre un comité d'ecclésiastiques de confier un garçon de 11 ans à un homosexuel avoué et célibataire.

Dans un livre qui vient de paraître, Le lion et le dompteur de lion, André Larocque raconte, avec beaucoup de verve et de tendresse, cette aventure d'une vie. Pour adopter Stéphane, il a dû obtenir le feu vert des travailleuses sociales, mais aussi d'un médecin et d'un prêtre. «Croyez-vous, demandait l'abbé-directeur par écrit, que le candidat puisse élever un enfant chrétiennement?» André Larocque n'a jamais su ce que son ami Benoît Lacroix, prêtre, a répondu à son supérieur. Mais il a finalement obtenu la garde de Stéphane, après deux ans de démarches.

 

La peur de l'abandon

L'enfant, né d'un père militaire très jeune et d'une mère tout aussi jeune, avait été sévèrement maltraité durant sa petite enfance. Il avait subi, par la suite, beaucoup de déplacements. À son arrivée chez son nouveau père, Stéphane ne le quittait pas une minute tant il avait peur d'être de nouveau abandonné. L'enfant était «hyperactif, hypertendu, hyperémotif, hyper-insécure», raconte André Larocque.

«J'ai mis du temps à saisir qu'on pouvait être aussi fortement habité par la peur d'être abandonné, écrit-il. Mais c'était bien le cas. Quand j'allais à la toilette, il s'installait de l'autre côté de la porte et écoutait pour ne pas que je tente de fuir par la fenêtre. Ça a l'air énorme, mais c'était comme ça.»

Cette crainte mettra beaucoup de temps à s'éteindre. Un jour, en sortant du restaurant avec une commande dans les mains, l'enfant n'aperçoit pas son père, stationné juste un peu plus loin. «Pendant quelques secondes, lui vient au visage cette terrifiante expression d'un enfant qu'on venait encore d'abandonner. Le coeur m'est tombé dans les talons.»

Ce grand voyage a donc été merveilleux, mais aussi difficile. «Il faut être très déterminé. Et le plus dur, c'est de n'avoir aucune espèce de certitude que tout ça va réussir», dit, en entrevue téléphonique, celui qui a été le conseiller de René Lévesque et de Mario Dumont.

Et, finalement, ça a réussi. Stéphane a aujourd'hui 41 ans et travaille dans le domaine de l'informatique. Il est en couple et attend la naissance d'une petite fille, Océane. «Sans lui, j'aurais eu l'impression de passer à côté de la moitié de ma vie. Si ce livre-là peut faire en sorte de donner un père à un enfant, j'aurai réussi», conclut André Larocque. Et Stéphane de répondre à son vieux père de 72 ans: «Si tu ne m'avais pas adopté, je serais en prison. À cause de toi, je ne suis pas en prison. C'est à mon tour de m'occuper de toi.»

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Le lion et le dompteur de lion a été publié par André Larocque à compte d'auteur. On peut se le procurer en écrivant à l'adresse courriel suivante: leseditionsdulion@hotmail.com