Il y a 60 ans, le père de Barack Obama n'aurait pu mettre les pieds dans un restaurant réservé aux Blancs. Quand le nouveau président l'a rappelé à des millions de personnes dans le monde, hier midi, Phyllis Collin a été particulièrement touchée.

«Cette ségrégation, je l'ai vécue moi-même. Quand j'étais enfant, dans mon école, il y avait deux salles de toilettes séparées; une pour les Noirs et une pour les Blancs», explique la Montréalaise de 63 ans, qui a grandi en Nouvelle-Écosse.

 

Mme Collin était parmi la centaine de personnes réunies hier dans les locaux de la Ligue des Noirs du Québec, boulevard Décarie à Montréal, pour célébrer l'investiture du 44e président des États-Unis. Les yeux rivés sur CNN, les gens ont ri, pleuré, prié, mais surtout crié leur joie à pleins poumons.

Pour Mme Collin, vivre ce moment historique au sein de sa communauté était primordial. «Il n'y a pas de mot pour dire comment je me sens, dit-elle. J'explose à l'intérieur, je suis comme une femme enceinte dont le petit tournerait sans arrêt sur lui-même!»

Mme Collin entretient de grands espoirs à l'égard de Barack Obama. Elle croit que l'arrivée du premier Afro-Américain à la Maison-Blanche aura des effets bénéfiques pour les Noirs du monde entier - y compris ceux du Québec.

C'est aussi ce que croit Seko Timothy, pasteur d'une église du quartier Saint-Michel. «Obama, c'est un homme que tout le monde attendait, comme le messie! lance-t-il. Dans mon église, il y a une cinquantaine de paroissiens qui étaient médecins en Afrique. Ici, ils sont chauffeurs de taxi ou préposés aux bénéficiaires.»

L'élection d'Obama changera la donne, croit le pasteur. «Il y a des Montréalais qui ne sont jamais allés dans le quartier Saint-Michel. Il y a des Occidentaux qui ne connaissent rien à l'Afrique. Obama va contribuer à ouvrir les horizons.»

«Un Noir à la présidence des États-Unis, personne n'en aurait jamais rêvé, dit Max Laudé, sociologue montréalais. Dans un pays où, il y a quelques décennies à peine, des Noirs étaient assassinés, dévorés par des chiens, voir un Afro-Américain incarner l'espoir pour le monde entier, c'est extraordinaire!»

Tandis que leurs aînés mesurent tout le chemin parcouru, les jeunes regardent vers l'avenir. Pour Chanelle Kendle, étudiante de 18 ans, «le plus important, c'était de sortir George W. Bush de la Maison-Blanche. Obama est un vent de fraîcheur après ces huit années d'enfer pour les États-Unis et pour le monde».

Selon Curtis Brathwaite, 20 ans, Barack Obama représente surtout une promesse de changement. «S'il peut être président, désormais, rien ne peut m'arrêter, dit-il. Je peux faire ce que je veux. Il n'y a plus d'obstacle sur mon chemin.»

«Pour la première fois, notre jeunesse est fière», se réjouit Michael Farkas, travailleur communautaire. Barack Obama ne réglera pas tous les problèmes, mais il inspire aux gens la volonté de se prendre en main. C'est déjà énorme.

«Chacun de nous va devoir se relever les manches, poursuit M. Farkas. Pour les Noirs, cela veut dire étudier, prendre notre place, cesser d'être surreprésentés dans les institutions carcérales. Le message pour les jeunes, c'est: si tu fonces, si tu persistes, tu peux aller au bout de tes rêves. C'est ce qui est aujourd'hui possible, et qui ne l'était pas avant.»