Omar Khadr a identifié le Canadien Maher Arar à partir d'une photographie la veille du jour où les États-Unis l'ont expulsé en Syrie, où il a été torturé, selon un agent du FBI qui témoignait mardi - une succession d'événements qualifiée, avec dérision, d'«étonnante coïncidence» par l'avocat d'Omar Khadr.

Dans une déclaration qui contrastait avec le témoignage qu'il a livré la veille, l'agent Robert Fuller a dit à l'audience préliminaire d'Omar Khadr, accusé de crimes de guerre, à Guantanamo Bay, que le jeune Canadien n'a pas pu identifier immédiatement Maher Arar lorsqu'on lui a présenté une photographie de l'ingénieur en logiciels d'Ottawa, mais qu'il a dit que son visage lui paraissait familier.

Contre-interrogé, l'agent Fuller a ajouté qu'il avait donné à Omar Khadr quelques minutes pour réfléchir à propos de la photo et de l'endroit où il aurait pu apercevoir l'homme sur la photo. Après quelques instants, Omar Khadr a identifié Maher Arar.

L'agent Fuller a questionné le jeune Khadr, qui venait d'avoir 16 ans, à cinq reprises en octobre à la prison américaine de Bagram, en Afghanistan, où l'adolescent blessé a été emmené à la suite de combats, en juillet 2002.

L'unique objectif de l'entrevue du 7 octobre - le premier de cinq interrogatoires - était de vérifier si Omar Khadr pouvait en fait identifier Maher Arar.

Omar Khadr, qui est né à Toronto, a déclaré à ceux qui l'interrogeaient qu'il n'avait jamais vu M. Arar au Canada, mais qu'il l'avait aperçu à plusieurs reprises dans un repaire d'al-Qaïda à Kaboul, et peut-être aussi dans un camp d'entraînement à l'extérieur de la capitale afghane. Le refuge était dirigé par un militant connu d'al-Qaïda, Abu Musab al-Siri, un Syrien considéré comme un important stratège d'al-Qaïda.

M. Fuller a soutenu qu'il ignorait, à ce moment, que Maher Arar avait été détenu à New York deux semaines plus tôt, et qu'il ne savait pas non plus que les Etats-Unis avaient remis M. Arar à la Syrie le 8 octobre, plutôt que de le renvoyer au Canada, comme l'aurait exigé la procédure normale.

L'agent du FBI a assuré qu'il ne savait pas si les informations qu'il avait récoltées auprès de Khadr avaient joué un rôle dans l'extradition de Maher Arar en Syrie.

Sur un ton sarcastique, le lieutenant-commandant Bill Kuebler, qui défend Omar Khadr devant la commission militaire américaine, a qualifié d'«étonnante coïncidence» l'extradition de M. Arar en Syrie 24 heures après l'interrogatoire.

M. Arar a toujours nié s'être rendu en Afghanistan. Une commission d'enquête a finalement conclu qu'il n'avait aucun lien avec des terroristes, et le gouvernement fédéral lui a versé une indemnité de 10,5 millions $.

Kerry Pither, ancienne porte-parole de M. Arar, a déclaré mardi que les tactiques du FBI étaient «immorales» et «franchement désespérées», et que le témoignage du FBI visait à «induire en erreur», et à nuire à Maher Arar.

Plus tard, mardi, les procureurs ont envisagé de demander la suspension de tous les procès en cours de prisonniers détenus dans la base américaine de Guantanamo en attendant de connaître la position et les consignes du président nouvellement investi Barack Obama. Le Pentagone n'a pas souhaité commenter l'information.

La défense souhaite plutôt que les accusations soient purement et simplement retirées.

Avant son élection, le nouveau président Barack Obama avait promis qu'il fermerait le camp de détention controversé de Guantanamo, et beaucoup s'attendent à ce qu'il décide de suspendre ces procès qui font l'objet de nombreuses critiques.

Tous les participants à l'audience de mardi attendaient d'ailleurs fébrilement de savoir si le président fraîchement assermenté ordonnerait immédiatement la fermeture de la prison et la fin des audiences de la commission militaire concernant 21 hommes, dont le Canadien Khadr. Mais aucun ordre n'est venu du président américain mardi.