Petite Ligue Canada, épinglée pour avoir donné plus de 82 millions de dollars en reçus d'impôts, a embarqué dans un gigantesque montage financier douteux de près d'un demi-milliard de dollars, selon ce qu'a appris La Presse. Comme cinq autres fédérations sportives amateurs, elle proposait à ses donateurs un abri fiscal irrésistible: obtenir un reçu d'impôt jusqu'à quatre fois supérieur à la somme du don initial.

Un donateur québécois qui signait un chèque de 2400$ pouvait ainsi avoir droit à un reçu d'impôts de 10 000$, ce qui lui donne droit à un remboursement d'impôts de 4820$. Ce formidable retour sur l'investissement de 101% a mis la puce à l'oreille de l'Agence de revenu du Canada, qui a décidé de sévir en retirant leur statut à deux organismes sportifs qui recouraient à ce stratagème depuis 2003. Football Canada a subi ses foudres en septembre 2008, puis Petite Ligue Canada lundi. Cette association de baseball amateur regroupe quelque 40 000 jeunes au Canada, dont 2300 répartis dans 213 équipes au Québec.

 

Les associations canadiennes de crosse, de lutte amateur, de biathlon et de basketball en fauteuil roulant seraient également dans la ligne de mire de l'agence.

La méthode, complexe, implique une entreprise ontarienne, ParkLane Financial, propriété d'un consortium basé aux Bermudes, Trafalgar Group of Companies. Le donateur confie 2400$ à une Fondation mise sur pied par ParkLane, qui s'engage à redonner sur 20 ans cet argent à un organisme de charité. Le donateur devient également un actionnaire de la Fondation et a droit aux dividendes engendrés par ses 2400$ en 20 ans, évalués à 7600$, qui seront eux aussi reversés à 80% à l'organisme de charité. ParkLane garde 20% de cette somme.

Selon ce qu'on peut lire sur son site internet, ParkLane a ainsi récolté 555 millions de dollars pour des organismes canadiens. Outre les associations sportives, on compte parmi ses clients le B'nai Brith, l'École nationale du ballet du Canada et le YWCA de Calgary.

Le président de ParkLane, Ron Olsthoorn, a décliné les demandes d'entrevue de La Presse. Dans une lettre aux donateurs publiée sur son site, il assure que l'entreprise a consulté «des experts canadiens renommés en matière de comptabilité et de fiscalité dans l'élaboration de ce programme». La méthode aurait également été approuvée par «des centaines de conseillers fiscaux et juridiques travaillant pour le compte de donateurs».

Des dons à la somme «réelle»

C'est loin d'être l'avis de l'Agence du revenu du Canada, qui a multiplié les avertissements aux donateurs, surtout depuis 2003, année où la Loi de l'impôt sur le revenu a été resserrée. Depuis ce temps, insiste-t-on à l'ARC, la somme maximale d'un don se limite au montant «réel» payé par le donateur. «On a un reçu pour ce qu'on donne, résume Caitlin Workman, porte-parole à l'ARC. Si je donne 600$, je dois avoir un reçu pour ce montant, pas pour 2000$.»

«Si on découvre qu'il y a eu un stratagème ou que le donateur a reçu une contrepartie, le don de charité n'est pas admissible», ajoute Linda Di Vita, porte-parole au ministère du Revenu du Québec. Elle ne pouvait préciser si son ministère enquêtait présentement sur des abris fiscaux semblables.

À ce jour, selon les chiffres de l'ARC, 26 000 contribuables qui ont participé à ces abris fiscaux ont vu leur demande révisée et des demandes de dons représentant quelque 1,4 milliard de dollars ont été rejetés. En août 2007, l'agence fédérale prévenait également qu'elle achevait la vérification de 20 000 autres contribuables associés à des dons s'élevant à 550 millions de dollars, soit précisément la somme que ParkLane assure avoir récoltée au Canada.

La maison mère de ParkLane, Trafalgar, entend maintenant mener sa lutte devant les tribunaux. Un «fonds de prévoyance» de 500 000$ a été établi pour aider les clients «à régler tout problème associé au Programme», peut-on lire sur le site.