Comment une petite ligue amateur canadienne, composée essentiellement de bénévoles et d'enfants jouant au baseball, a-t-elle pu amasser 82 millions en dons déductibles d'impôts?

C'est la question que se posait hier le milieu du baseball amateur, après l'annonce que l'Agence du revenu du Canada avait retiré à Little League Baseball Canada son statut lui permettant d'émettre des reçus aux fins de l'impôt. Créée en 1952, l'organisation rebaptisée en français Petite Ligue Canada compte 40 000 joueurs au pays. Sa section québécoise regroupe 213 équipes et 2363 jeunes joueurs de moins de 18 ans. L'organisation est complètement indépendante de Baseball Québec, qui regroupe plus de 95% des jeunes joueurs de la province.

L'agence fédérale reproche à Little League Baseball Canada d'avoir émis pour plus de 82 millions de dollars de reçus de dons pour des «transactions abusives» qui proposaient des abris fiscaux. Ces opérations, selon l'analyse du ministre du Revenu, «ne sont pas admissibles comme dons». LLBC a en conséquence perdu son statut d'«association canadienne enregistrée de sport amateur» qui permettait à ses donateurs de profiter d'un crédit d'impôts.

Une somme énorme

L'énormité de la somme de 82 millions surprend à Baseball Québec. «Ayoye!» laisse tomber spontanément Gilles Taillon, directeur. En 2008, son organisme a émis... 0$ en reçus d'impôts. «On a eu un gros don de 50 000$ d'Éric Gagné, mais il est passé par la fondation des Brewers de Milwaukee», explique M. Taillon. Le budget de Baseball Québec est d'environ 1,6 million, provenant de subventions et de commandites.

Prétextant les lois en matière de confidentialité, l'Agence refusait hier de donner plus de détails sur ces abris fiscaux proposés par Little League. Une porte-parole a cependant précisé que cette décision «n'entraînait pas la révocation des dons offerts dans le passé». Mystérieusement, dans le communiqué publié par l'ARC, on donne un exemple précis des abris fiscaux dont il faut se méfier: «Les stratagèmes qui promettent généralement aux donateurs des reçus d'impôts d'une valeur supérieure au montant réel du don.» Est-ce ce que l'on reproche à Little League? Pas moyen d'en savoir plus.

Programmes légaux

En milieu de journée, l'organisme basé à Ottawa a publié un communiqué expliquant que sa participation à un programme offrant des abris fiscaux avait été «basée sur des avis d'experts légaux et fiscaux». Les programmes en question étaient dûment enregistrés auprès de l'Agence du revenu du Canada, indique-t-on.

«Les donateurs qui ont utilisé ces programmes d'abris fiscaux et qui ont fait l'objet d'une révision contestent cette décision, dit Roy Bergerman, président de LLBC. Avec des causes toujours en cours qui vont déterminer la validité de ces programmes, nous estimons qu'il était, au mieux, prématuré de révoquer le statut de Little League.»

Présentement à l'extérieur du pays, M. Bergerman n'était pas disponible pour répondre aux médias hier. Une adjointe au bureau d'Ottawa a simplement indiqué qu'«on est loin de 82 millions» en dons.

Le président de l'antenne québécoise de LLBC, Serge Séguin, avoue être lui aussi perplexe par l'énormité du montant. «J'ai aucune maudite idée c'est quoi, ce montant-là. J'aurais aimé ça avoir ça, moi! Au Québec, on parle de petits montants, on reçoit entre 7000 et 8000$ par année. Mais avec cette histoire-là, on ne pourra plus émettre de reçus, c'est sûr que ça va avoir un impact négatif.» Le budget total de Petite Ligue de baseball du Québec «frisotte» les 17 000$ par année, précise M. Séguin. «Le salaire, nous autres, il n'y en a aucun, on est tous des bénévoles.»

Little League Baseball Canada est affiliée un organisme international situé en Pennsylvanie, aux États-Unis, qui se dit présent dans 150 pays et encadre plus de trois millions de jeunes. Les appels de La Presse au siège social de l'organisme sont demeurés sans réponse.