Le plus grand projet de train de banlieue de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), le train de l'Est, est enfin sur les rails. Afin d'offrir une liaison rapide et efficace entre le sud de la région de Lanaudière et Montréal, l'AMT a opté pour la construction de 13km de voies ferrées en milieu urbain, en plein centre d'une autoroute, en plus de faire circuler ses trains près d'une usine d'explosifs. N'y aurait-il pas un moyen plus simple de rejoindre les clientèles visées? Est-ce vraiment la peine de consacrer 400 millions de dollars à un train qui desservira moins de 6000 passagers par jour?

Demain soir, à Repentigny, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) reprend son examen public d'une portion du projet du train de l'Est, dont la planification et l'implantation ont nécessité près de trois ans d'études et de travaux, sous l'égide de l'AMT, une agence publique qui relève de la ministre des Transports du Québec, Julie Boulet.

Le projet bénéficie de larges appuis du milieu municipal, tant dans les banlieues qu'à Montréal. Le train de l'Est jouit déjà d'une popularité indéniable dans les populations locales. Malgré ces appuis, l'AMT a été critiquée à maintes reprises lors des premières audiences publiques, les 9 et 10 décembre derniers.

Au cours des prochaines audiences, le trajet retenu par l'AMT devrait à son tour être critiqué par des résidants de l'est de Laval et de la MRC L'Assomption, qui se retrouvent privés du service attendu après avoir participé en masse à sa promotion, de concert avec l'AMT.

Des banlieues non desservies

À l'origine, les MRC de L'Assomption et des Moulins, en banlieue est et nord-est de la métropole, devaient être desservies par deux trains distincts, voyageant sur des voies ferrées existantes et différentes.

Le premier train (la ligne verte, en haut de la carte) aurait relié Mascouche et Terrebonne par le chemin de fer du Canadien Pacifique (CP) qui traverse tout l'est de Laval, avant de rejoindre la voie ferrée qu'utilise le train de Blainville-Saint-Jérôme en direction de la gare Lucien-L'Allier, au centre-ville.

Le second train aurait relié Repentigny et L'Assomption en empruntant exclusivement une voie ferrée du Canadien National en direction de la Gare centrale, en traversant tout l'est et le nord de Montréal.

Les deux projets, reconnaît d'ailleurs l'AMT, auraient à court terme attiré plus d'usagers que le projet retenu (voir tableau).

Toutefois, en raison de la désuétude d'une partie de la ligne du CP, de la saturation du trafic ferroviaire entre Laval et le centre-ville sur cette ligne, des coûts élevés des droits de passage à payer sur deux voies ferrées privées et du nombre accru de locomotives et de voitures nécessaires pour assurer les services sur deux lignes au lieu d'une seule, l'AMT estime aujourd'hui que cette hypothèse serait trop coûteuse (480 millions).

Quant à la desserte Gare centrale-L'Assomption, elle laisserait une grande part de la population ciblée sans nouveaux services pour un coût semblable au scénario retenu (250 millions).

Un train au lieu de deux

En 2006, l'AMT avait dévoilé un plan qui permettait de relier les deux secteurs de banlieue et la métropole grâce à une liaison unique de 51 km jalonnée de 14 gares, dont 10 à Montréal et quatre en banlieue.

Cette fusion des deux projets entraînera la construction de nouvelles voies ferrées au centre de l'autoroute 640 entre Mascouche et Terrebonne, une longue déviation par les terrains de la société General Dynamics, fabricant d'explosifs situé au nord de Repentigny, et le doublement ou la reconstruction de voies ferrées en milieu résidentiel dans les secteurs de Le Gardeur et Charlemagne.

Le coût de cet ambitieux projet était estimé à 300 millions de dollars au moment de sa présentation, en 2006. Selon un document de l'AMT que La Presse a obtenu, ce coût est maintenant estimé à 394 millions, et la construction n'a même pas commencé.

Selon l'AMT, l'achalandage initial du Train de l'Est, estimé à environ 3500 passagers par jour, pourrait rapidement augmenter sur un horizon de trois à cinq ans, jusqu'à 5500 ou 6000 passagers par jour. Selon une étude de marché, dont les résultats ont été dévoilés en audiences par l'AMT, cette croissance rapide de l'achalandage serait générée grâce au «redéveloppement» immobilier autour des nouvelles gares projetées dans le cadre du projet. Du point de vue de l'AMT, cet aspect du projet, unique au tracé retenu, est l'un des critères les plus importants qui militent en faveur du projet unique proposé.

En décembre dernier, l'AMT a défendu le projet retenu en présentant les résultats d'une analyse «multicritères» extrêmement complexe qui a permis de mesurer les inconvénients et les avantages techniques, économiques, sociaux et environnementaux de trois scénarios.

Cette démonstration n'a pas convaincu tout le monde. Le président de la commission du BAPE qui examine le projet du train de l'Est, Qussai Samak, a fait remarquer aux représentants de l'AMT, le 9 décembre: «Ça ne saute pas aux yeux immédiatement que c'est le meilleur scénario.»

«Il est troisième dans certains tableaux, deuxième dans d'autres, puis là, tout à coup, la conclusion finale, c'est que c'est le meilleur. Je dois vous avouer que le passage de l'étape de l'information, évidemment compressée, à la caractérisation finale est un peu brusque. Ce n'est pas suffisamment étayé.»

Le BAPE doit présenter son analyse et ses recommandations au plus tard le 9 avril prochain à la ministre responsable du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp.

Scénarios étudiés

Ligne / Fréquentation / Coût projeté à court terme (1)

CN-Mascouche/Montréal (projet retenu) / 3565 passagers par jour / 300 millions*

CN-L'Assomption seulement / 3352 passagers par jour / 250 millions

CN-L'Assomption et CP-Mascouche / 4230 passagers par jour / 480 millions

Notes

* Une étude plus récente établit ce coût à 394 millions

(1) En pointe du matin. Montréal et les banlieues se divisent la clientèle à 50%