C'est un temps des Fêtes spécial, cette année, à la tour de la Paix du parlement d'Ottawa.

En novembre dernier, Andrea McCrady a tout laissé, sa maison dans l'État de Washington et une partie de sa vie derrière elle pour poursuivre son rêve et prendre le poste très officiel de carillonneur du Dominion.

Pour la première fois, les cloches qui font entendre des airs de Noël chaque midi sur la colline parlementaire pendant 15 minutes sont jouées par une femme, une Américaine et un médecin de famille de surcroît.

 

«Je me pince encore un peu», admet la petite femme énergique aux cheveux roux en repensant au parcours inhabituel qui l'a menée de sa ville natale de Pittsburgh jusqu'à l'une des institutions hautement symboliques du Canada.

Sa passion est née au Trinity College, à Hartford où, vers l'âge de 18 ans, elle a vu un carillon pour la première fois de sa vie. «Il était dans la tour de la chapelle et ses 32 cloches résonnaient dans tout le campus», se souvient-elle.

Après un détour par l'Europe, où elle étudie l'instrument, elle aboutit à Montréal en 1976, à McGill, pour étudier la médecine. «Je n'avais présenté ma candidature qu'à des écoles qui avaient des carillons tout près», lance la musicienne en éclatant de rire.

Alors au début de la vingtaine, elle arrive dans la métropole juste à temps pour remplacer Émilien Allard, le carillonneur de l'oratoire Saint-Joseph, parti la même année occuper le poste de... carillonneur du Dominion, à Ottawa.

Le monde est petit chez les carillonneurs, admet Andrea McCrady: en Amérique du Nord, la guilde qui les regroupe ne compte que 550 membres.

C'est ainsi qu'elle a elle-même formé l'actuel carillonneur de l'Oratoire, Claude Aubin, qui a repris l'instrument de l'église du mont Royal à son départ de Montréal, vers 1980.

Puis, la vie de Mme McCrady s'est poursuivie, entre la médecine et le carillon. Comme à l'université, et jusqu'à Ottawa, elle s'est toujours organisée pour vivre à proximité d'un instrument.

«En 2006, pour un ensemble de raisons qui sont trop nombreuses et trop complexes à détailler dans une entrevue, j'ai décidé d'obtenir un diplôme de musique», dit-elle, sa voix d'ordinaire enjouée devenue soudainement plus sobre.

Alors, les choses se précipitent. Elle termine un programme de quatre ans à l'Université de Denver en seulement deux ans. Puis, en février dernier, elle aperçoit l'annonce de la prestigieuse position s'ouvrant à Ottawa, en raison de la retraite du carillonneur précédent, Gordon Slater, après 31 ans de loyaux services. Après entrevues et auditions, elle est choisie parmi une série de candidats venant des quatre coins du monde.

C'est donc Andrea McCrady qui, depuis le début du mois de décembre, joue les chansons de Noël sur le vieil instrument de bois donné au Canada par le roi George V en 1927, et qui trône au milieu d'une toute petite pièce au septième étage de la tour de la Paix, en plein centre du parlement.

Lorsque La Presse l'a rencontrée, il y a quelques jours, c'était relâche de cantiques pour l'anniversaire de Beethoven. Par petits coups saccadés de ses poings à demi fermés sur les touches usées, elle a fait résonner les 53 cloches de la tour pendant son récital quotidien pour faire retentir l'adagio de la sonate Au clair de lune sur la colline parlementaire, après l'habituel Ô Canada.

Elle a repris le lendemain avec le thème des Fêtes. En fait, sauf pendant une pause de quelques jours entre le 25 et le 28 décembre, les Il est né le divin enfant, Allons bergers et même Jingle Bell Rock seront au programme du midi.

«Noël est toujours grandiose pour la musique de carillon. Les gens pensent à des cloches à Noël», reconnaît la nouvelle carillonneuse, qui souvent porte même une petite broche en forme de cloche épinglée sur son chandail.

Mais pour elle, le temps des Fêtes 2008 a aussi un autre sens.

«Cette année, je ne suis pas docteure, je ne suis pas musicienne d'église... C'est ça, pour moi, la signification cette année: c'est la première fois en 30 ans que je vais avoir congé le jour de Noël!»