Evelyne Papatie vit avec sa mère Marie-Hélène et son beau-père Robert Penasway dans une famille reconstituée qui compte, au total, 14 enfants.

Comme les autres habitations du village, leur maison est une cabane de fortune construite en planches de bois aggloméré, noirci avec le temps. Le week-end, il y a du monde dans la maison : les jeunes qui vont et viennent, avec leurs cousins et amis.

Les jours de semaine, la maison des Papatie est étrangement vide.

Comme l'école du village se termine en troisième année, trois des plus jeunes enfants du couple s'exilent chaque semaine à Val d'Or. Ils y vivent dans une «famille scolaire». Une famille de «Tciguji», c'est-à-dire des Blancs.

Habituellement, l'autobus scolaire passe prendre les enfants le dimanche soir. La semaine de notre passage, le lundi était un jour de congé. Dès 17h, une fébrilité régnait chez Robert et Marie-Hélène. Trois jeunes ados remplissaient leurs sacs avec les vêtements pour la semaine. Des gestes qu'ils accomplissaient mécaniquement, dans le silence.

Dorisyani, une fillette de 2 ans, courait derrière ses frères et soeurs en chignant. «Elle ne veut pas qu'ils s'en aillent», présumait Robert.

Les ados qui traînaient avec leurs amis en attendant l'autobus affirmaient avec défi qu'ils s'en fichent, eux, de s'en aller vivre à Val d'Or. Là-bas, ils ont le confort, l'internet. «Je disais la même chose à leur âge», confie Evelyne. Aujourd'hui, elle connaît le prix du déracinement.

«Il faut absolument ramener les jeunes dans la communauté, sinon, on va perdre notre langue», déplore le chef du conseil de Kitcisakik, Edmond Brazeau. Tous les soirs, Robert et Marie-Hélène essaient d'enseigner quelques mots d'algonquin à la petite Dorisyani. Eux-mêmes le parlent encore un peu. Mais d'une génération à l'autre, la langue s'étiole.

Jusqu'en 2006, les enfants quittaient le village dès la maternelle. Des bambins de 5 ans qui pleuraient comme des veaux en montant dans l'autobus jaune. Pendant longtemps, cinq jours sur sept, Kitcisakik était un village sans enfants. Sans les rires des enfants qui s'amusent dans la neige, les cris des gamins qui jouent au hockey.

L'école a ouvert ses portes en 2006. Maintenant, les écoliers restent au village jusqu'en troisième. Aménagée dans une ancienne maison mobile, l'école est déjà trop à l'étroit avec ses 29 élèves. La quatrième année est prévue pour septembre. Mais pour l'instant, personne ne sait où on va l'installer.