Le gouvernement Charest veut se faire réélire en faisant rêver les Québécois à une nouvelle prospérité basée sur le développement du Grand Nord. Au menu: nouvelles centrales hydroélectriques, nouvelles mines et aussi de nouvelles réserves naturelles.

Mais jusqu'ici, le «Plan Nord» défendu par le premier ministre Jean Charest a été accueilli avec un mélange de colère et d'inquiétude par les leaders autochtones. Surtout que le «Plan» n'a pas pris la forme d'un document concret, mais plutôt d'une série de déclarations dans le cadre d'événements partisans.

 

M. Charest avait pris la précaution de déléguer les ex-députés Michel Létourneau et Pierre Corbeil consulter les acteurs concernés par ce projet, mais ces consultations ont tourné à vide auprès des autochtones.

Selon Ghislain Picard, chef régional pour le Québec et le Labrador de l'Assemblée des premières nations, le premier ministre Jean Charest a par la suite fait des déclarations prématurées dans ce dossier.

«Le Plan Nord est tout simplement un exemple de l'indifférence de nos gouvernements à l'égard de ce que nous représentons, dit-il. Il y a peut-être des nations qui ont été consultées, d'autres non. Moi j'ai rencontré M. Létourneau, mais sans aucun document. Ensuite, on a eu droit au même discours de la part de M. Charest: «c'est notre territoire, c'est nos richesses». On va de l'avant avec un projet comme le Plan Nord qui concerne le développement d'un territoire sur lequel les premières nations ont des droits.»

Du côté des Cris, la visite prévue du tandem Létourneau/Corbeil a été annulée, selon Bill Namagoose, directeur général du Grand Conseil des Cris. «Ils devaient nous faire une présentation à l'assemblée du Grand Conseil des Cris, le mois dernier. Ils étaient à l'agenda, mais ils ne se sont jamais présentés!» raconte M. Namagoose.

Selon lui, c'est simplement un malentendu. Mais le manque de consultation qui en résulte augmente l'inquiétude.

«Ils parlent d'ajouter 3500 mégawatts de centrales électriques, mais on ne sait pas à quelle rivière ils pensent, dit-il. On sait qu'Hydro-Québec a pour politique de ne pas faire de projets qui sont inacceptables pour les communautés locales. On espère que c'est toujours leur politique.»

Selon M. Namagoose, les événements des derniers mois ne vont pas dans le sens d'un développement harmonieux du Grand Nord. «Il y a une route forestière en construction actuellement près de Chibougamau. L'entrepreneur a eu son permis du gouvernement du Québec sans aucune consultation, alors qu'on pense qu'il y aurait dû avoir une évaluation environnementale sous la Convention de la Baie James. On est devant les tribunaux là-dessus.»

Au sein de l'équipe libérale, on explique l'absence de document justement par le manque de consultation. «Les consultations ne sont pas encore terminées, dit Pascal D'Astous, porte-parole du ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard. Peut-être qu'ils (les leaders autochtones) ont peur que ce soit «canné» d'avance. Mais ce n'est pas le cas du tout. Rien ne va se faire sur ces territoires sans avoir ces gens-là à côté de nous.»

Il en faudra beaucoup pour avoir les nations autochtones «à côté» du gouvernement du Québec, selon M. Picard.

«On fait le constat de la faillite du processus politique, dit-il. On est peut-être rendu à lancer un processus d'accession à la souveraineté des Premières Nations. Si on trouve que notre relation politique, autant avec le Québec qu'avec le Canada, va vers un cul-de-sac, il faut peut-être réévaluer cette relation.»