Québec et Ottawa travaillent depuis un an à la mise en place d'un nouveau mécanisme de reddition de comptes pour empêcher un dérapage financier comme celui observé pendant 10 ans au cabinet du lieutenant-gouverneur.

Lise Thibault doit comparaître demain devant la commission parlementaire de l'administration publique. Selon des sources fiables, elle compte réitérer plusieurs des arguments qu'elle a servi depuis que les vérificateurs généraux à Québec comme à Ottawa l'ont mise sur la sellette. Elle relèvera que les deux ordres de gouvernement ont, pendant tout ce temps, accepté de rembourser ses dépenses, qu'elle «ne regrette rien». Surtout, comme «représentante de la reine», elle n'avait pas à se conformer à ces directives sur les dépenses, une affirmation qui a laissé bien perplexes ceux qui l'ont entendue dans le cadre des enquêtes amorcées depuis juin 2006.

 

Déjà, pour ses prédécesseurs, la ligne entre les «dépenses remboursables» et «l'allocation» allouée au lieutenant-gouverneur était souvent vague, mais il semble que les enquêteurs ont établi qu'il s'agissait de «dépenses», que devait par conséquent justifier Mme Thibault. Les enquêteurs de la division des crimes économiques de la Sûreté du Québec ont rencontré Mme Thibault le 9 octobre, à son domicile. Son aide de camp, Guy Hamelin, a été interrogé le même jour.

La semaine dernière, Mme Thibault avait demandé que les fonds publics paient ses frais de déplacement et d'hébergement pour lui permettre de témoigner. La Commission de l'administration publique a refusé sur-le-champ de créer un tel précédent.

Aujourd'hui, les députés entendront Renaud Lachance, le vérificateur général, dont le rapport en juin 2007 avait affirmé que Mme Thibault avait, en 10 ans, dépensé 700 000$ de fonds publics à des fins personnelles. M. Lachance avait souligné que les livres de Mme Thibault faisaient état, entre autres, de 45 000$ de «cadeaux» sans que le bénéficiaire soit identifié, 44 000$ remboursés aux gardes du corps pour des pourboires qu'ils avaient laissés, 14 000$ pour des repas pris à proximité de la résidence de Mme Thibault, sans raison officielle. Le vérificateur avait observé aussi des dépenses de 12 000$ pour une excursion de pêche, 4000$ pour une réception pour l'anniversaire d'un membre de la famille de Mme Thibault et 4600$ pour un voyage de ski au Mont-Tremblant.

Obtenue en vertu de la loi fédérale sur l'accès à l'information gouvernementale, une note d'information à la ministre de Patrimoine Canada, Josée Verner, indique qu'Ottawa, de concert avec Québec, devant les abus constatés, avait proposé de mettre sur pied un nouveau mécanisme pour payer les coûts du bureau du lieutenant-gouverneur. Le document identifié «secret» qui date d'octobre 2007, précise que le nouveau protocole d'entente «mettrait en oeuvre le transfert de fonds fédéraux au ministère du Conseil exécutif (à Québec) pour l'usage du lieutenant-gouverneur et rendrait les fonds sujets aux cadres de gestion et d'imputabilité provinciaux», précise le document.

La sous-ministre fédérale, Judith A. LaRocque, souligne qu'avec un tel mécanisme, le Québec «serait la seule province avec un outil de financement différent pour la fonction de lieutenant-gouverneur».

La note prévoyait déjà que le secrétaire général du Québec, Gérard Bibeau, devait venir témoigner devant une commission parlementaire - ce sera chose faite demain, un an plus tard. «Il serait souhaitable que M. Bibeau puisse faire référence à une entente de principe avec le gouvernement lors de sa comparution», indiquait Patrimoine Canada.

Selon Marie-Claire Ouellet, porte-parole du Conseil exécutif à Québec, les deux gouvernements ont entrepris des discussions pour simplifier la comptabilité des dépenses du lieutenant-gouverneur, mais ces pourparlers n'ont pas encore abouti à une conclusion.