Les droits et libertés de trois Canadiens originaires du Proche-Orient n'ont pas été respectés par la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), ce qui a entraîné leur détention en Syrie et en Égypte entre 2001 et 2004 dans des conditions épouvantables, a conclu hier le juge Frank Iacobucci à la suite de la publication d'un rapport d'enquête.

Le rapport indique que les trois hommes ont été torturés par leurs geôliers, au sens de la Convention des Nations unies contre la torture, en raison des informations transmises par la GRC et le SCRS aux services de renseignement syriens (et égyptiens dans le cas d'Ahmad El Maati).

L'ancien juge à la Cour suprême a ainsi blâmé la GRC et le SCRS pour leur négligence et leurs actions inconsidérées dans cette affaire qui a bouleversé les vies d'Abdullah Almalki, d'Ahmad El Maati et de Muayyed Nureddin, trois Canadiens respectivement nés en Syrie, en Égypte et en Irak.

«Ma vie a été ruinée, ma réputation a été ruinée pendant toutes ces années. J'ai perdu mon entreprise. Et tout cela à partir d'informations qui n'avaient rien à voir avec moi. Je suis tout simplement outré», a lancé l'un d'entre eux, Abdullah Almalki, au cours d'une conférence de presse hier.

L'un des avocats des trois hommes, Barb Jackman, a d'ailleurs souligné que leurs clients avaient été «injustement» catégorisés par la GRC de membres d'Al-Qaeda, d'«extrémistes islamistes», de «menaces imminentes» et que ce genre de profilage avait été communiqué à la Syrie et à d'autres pays, dont les États-Unis.

Ces catégorisations étaient «incendiaires», «imprécises» et dépourvues de tout fondement, selon le rapport de 574 pages.

Responsabilité indirecte

Le juge Frank Iacobucci n'est pas allé jusqu'à affirmer, hier, que la GRC et le SCRS étaient «complices» ou qu'ils étaient «directement» responsables des sévices causés aux trois hommes. Il a préféré dire que les agences canadiennes étaient «indirectement» responsable des injustices faites à ces citoyens canadiens.

Le magistrat a par contre conclu que le partage d'informations entre ces organismes et divers organismes étrangers, «dont des organismes américains», avait laissé croire que les trois hommes étaient soupçonnés d'être impliqués dans des activités terroristes.

Dans les cas de Muayyed Nureddin et d'Ahmad El Maati, ces informations ont entraîné leur arrestation et leur torture par la Syrie. De fait, M. El Maati a non seulement été incarcéré par le Renseignement militaire syrien, mais il a aussi été transféré en Égypte, où il a été torturé.

En ce qui concerne Abdullah Almalki, le juge Iacobucci n'a pu conclure que les autorités canadiennes avaient été directement ou indirectement responsables de sa détention, malgré certaines «préoccupations» quant à la façon dont ont travaillé la GRC et le SCRS. Le juge considère par contre que «les sévices exercés à l'endroit de M. Almalki ont résulté indirectement du partage de données avec les Américains et de l'envoi aux responsables syriens de questions à poser à M. Almalki alors qu'il était en détention en Syrie».

L'enquête du juge Iacobucci a visé non seulement les actions de la GRC et du SCRS, mais aussi celles du ministère des Affaires étrangères qui, dans les cas de MM. Almalki et El Maati, aurait manqué à son devoir de venir en aide à des compatriotes.

Le commissaire Iacobucci s'est cependant refusé à identifier nommément des coupables.

Le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, a accueilli le rapport avec satisfaction, rappelant que tous ces événements s'étaient produits sous l'ancien gouvernement libéral et que c'est le gouvernement conservateur qui avait ordonné l'enquête interne sur cette affaire.