Québec savait depuis plus de six mois que son partenaire privé avait l'intention de construire trois ponts d'un type qui n'est plus recommandé au Québec, dans le cadre du projet de parachèvement de l'autoroute 30, en Montérégie.

La multinationale espagnole Acciona a toutefois été avisée «récemment» que le concept retenu pour ces trois ouvrages d'art devrait être remplacé, parce qu'il ne rencontre pas les nouveaux critères de sécurité adoptés par Transports Québec depuis l'effondrement du viaduc de la Concorde, survenu à Laval, il y a deux ans.

Le Journal de Montréal a révélé hier qu'Acciona prévoyait construire trois ponts de type «bi-poutre» dans le cadre du projet de parachèvement de l'A-30, dont le futur pont du canal de Beauharnois. Ce pont de plus de deux kilomètres de long, qui enjambera la Voie maritime du Saint-Laurent, à plus de 35 mètres au-dessus de l'eau, est le plus imposant de tous les ouvrages d'art prévus dans ce projet de plus de 1,4 milliard.

Or, en vertu d'une note interne émise le 18 octobre 2007 par la Direction des structures du ministère des Transports du Québec, les ponts bi-poutres font maintenant partie d'une courte liste des «tabliers de ponts non recommandés», sur le réseau routier québécois, au même titre que les structures semblables au viaduc de la Concorde.

En raison de leur conception, qui repose sur de longue poutres parallèles préfabriquées qui vont de pilier en pilier, ces ponts «ne doivent pas être utilisés» au Québec, parce qu'un «désordre structural» sur une de ces poutres principales pourrait entraîner la chute du tablier, sans avertissement préalable.

C'est ce qui s'est produit à Laval, le 30 septembre 2006, lorsqu'une masse de béton s'est fracturée dans l'un des porte-à-faux du viaduc du boulevard de la Concorde, entraînant l'effondrement des poutres de la travée centrale du viaduc sur l'autoroute 19. Cinq personnes ont été tuées et six autres blessées dans cette tragédie sans précédent.

Dans les mois qui ont suivi, le MTQ a identifié tous les types de ponts qui, comme le viaduc du boulevard de la Concorde à Laval, ne présentaient pas de «redondances» sur le plan structural. Ces redondances sont simplement des éléments d'un pont qui seraient susceptibles de retarder ou d'empêcher l'effondrement d'un ouvrage, en cas de défaillance d'un élément principal.

Les ponts bi-poutres comptent parmi les ouvrages d'art les plus communs sur les routes européennes parce qu'ils sont d'une conception simple et fiable, faciles à construire, en peu de temps, et peu coûteux.

Au Québec, en comparaison, on en compte très peu. Selon le MTQ, il n'y en aurait que 25 parmi les 9000 ponts, viaducs et autres ouvrages routiers de la province, dont 14 sur le réseau routier provincial, et 11 sur le réseau municipal.

Le plus achalandé, et probablement le plus connu de ces ouvrages, est le pont Arthur-Sauvé, qui traverse la rivière des Mille-Îles entre Saint-Eustache et Laval, sur la route 148.

La multinationale espagnole Acciona, choisie par Québec en juin dernier pour réaliser le parachèvement de l'autoroute 30, en partenariat public-privé, a soumis les plans préliminaires de ces 3 ponts au MTQ en février et en mars derniers, soit quelques mois seulement après l'entrée en vigueur des nouvelles restrictions.

Ce n'est toutefois que «récemment» que la société a été avisée de revoir la conception de ces ponts.

La signature d'une entente finale de réalisation entre la multinationale des travaux publics et le gouvernement du Québec pour le parachèvement de l'A-30 est prévue d'ici quelques jours.

À l'origine, cette entente de partenariat devait être signée le 16 septembre dernier.

Hier, le MTQ a refusé d'établir un lien entre le rejet des trois ponts prévus et les retards dans la conclusion de cette entente de partenariat.