Isabelle Michaud, qui habite à Montréal, a eu son premier enfant à 34 ans et entend bien en avoir un deuxième. Son effort de guerre - et celui de son valeureux conjoint - contribuera au taux de fécondité des Québécois, qui atteint maintenant un niveau inespéré.

Selon des données de Statistique Canada dévoilées hier, il y a eu, en 2006, 81 937 naissances au Québec, soit 5591 de plus que l'année précédente. En pourcentage, cela donne une augmentation de 7,3%, alors la progression n'est que de 3,6% au Canada. Cette hausse peut aussi fait pâlir d'envie l'Ontario, dont les naissances n'ont crû que de 1,4%. De toutes les provinces, seule l'Alberta a une meilleure performance que le Québec, mais avec seulement 0,1% de plus.

 

Ensemble, le Québec et l'Alberta ont été à l'origine de pas moins de 70% de la croissance des naissances au pays.

Quand le Québec a commencé à faire plus d'enfants, les démographes ont multiplié les appels à la prudence. Peut-être n'est-ce que pur alignement des astres, disaient-ils. Peut-être y avait-il soudainement plus de femmes qui, ayant retardé leurs projets de famille, les menaient toutes à terme au même moment. Ce qu'il faut surtout scruter à la loupe, insistaient démographes et sociologues, c'est le nombre d'enfants qu'a chaque Québécoise au terme de ses années de fertilité.

Les derniers chiffres incitent maintenant Madeleine Rochon, démographe au ministère de la Santé et des Services sociaux, à le dire franchement: on est en présence d'une réelle tendance. «Les femmes nées en 1960 n'ont eu que 1,62 enfant, mais celles qui sont nées en 1967 en ont 1,7. C'est une remontée spectaculaire qui est de nature à stabiliser le poids politique relatif du Québec à l'intérieur du Canada et qui va nous obliger à revoir nos prévisions démographiques.»

Les Canadiennes nées en 1967 finissent cependant par avoir 1,75 enfant avant de fermer boutique, donc davantage que les Québécoises en particulier malgré la nette progression. Il faut aussi noter, ajoute Mme Rochon, que «si le Québec rattrape ou même dépasse l'Ontario depuis trois ans, les Ontariens ont fait plus d'enfants pendant les 20 années qui précèdent».

C'est encore dans la tranche d'âge des 25 à 29 ans que les Québécoises font le plus d'enfants, mais cela pourrait changer bientôt. Ainsi, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Colombie-Britannique et au Yukon, le taux de fécondité des femmes âgées de 30 à 34 ans vient carrément de dépasser celui des femmes de 25 à 29 ans.

La récession

Ce qu'il faut espérer maintenant? «Que la récession ne frappe pas!» lance la démographe Madeleine Rochon. Si les emplois se mettent à être menacés, ça va retarder les projets de famille ou peut-être les empêcher. Car retarder les choses, ça signifie parfois qu'il y aura rupture conjugale ou que l'horloge biologique aura sonné.»

Isabelle Michaud, elle, veut un deuxième enfant et ne laissera pas l'économie lui dicter son choix. Elle espère simplement que les gouvernements s'ajusteront, et vite.

«Dès que j'ai su que j'étais enceinte, je me suis inscrite sur la liste d'attente centrale pour une place en garderie, mais jusqu'ici, aucune des 80 garderies n'a encore téléphoné»