Des citoyens de la ville de Mont-Royal craignent d'être les « sacrifiés » du projet de Réseau électrique métropolitain (REM), alors que le train léger passera plus de 500 fois par jour devant leurs résidences. Ils exigent que la Caisse de dépôt enfouisse la voie ferrée sur une distance de 1,8 kilomètre, ou encore recouvre les rails d'un « tunnel-dôme ».

« Ils vont bousiller la qualité de vie de centaines de familles », tonne Georges Sayegh, résidant de longue date du secteur, qui a lancé une campagne d'information auprès de ses voisins avec deux concitoyens, Catalin Zimbresteanu et Pierre Mourot.

Le secteur problématique s'étend entre la sortie du tunnel du Mont-Royal et l'autoroute 40, en plein coeur de Mont-Royal. Des trains de banlieue traversent déjà le quartier une soixantaine de fois par jour en semaine, mais selon les plans actuels, le REM passera presque 10 fois plus souvent. Une « fréquence infernale », soutiennent les citoyens rencontrés par La Presse.

« Comment mon fils de 11 ans va-t-il se reposer alors que les trains passeront dès 5 h du matin ? a lancé Catalin Zimbresteanu. Comment est-ce que je vais me reposer avant d'aller au travail ? Je n'exagère pas en disant qu'on sera les sacrifiés du projet. »

Toutes les deux minutes

La portion du REM prévue à Mont-Royal sera particulièrement achalandée. Selon les plans actuels, elle servira de tronc commun aux lignes de Deux-Montagnes, de Sainte-Anne-de-Bellevue et de l'aéroport Trudeau. Les trains devraient circuler toutes les deux minutes à l'heure de pointe, et toutes les six minutes le reste du temps, selon l'achalandage projeté d'ici 2031 par CDPQ Infra, une filiale de la Caisse. Le service est prévu de 5 h à 1 h, soit 20 heures par jour.

Les trois citoyens rencontrés chez M. Zimbresteanu, à une vingtaine de mètres des voies ferrées, insistent sur le fait qu'ils sont tout à fait favorables au projet du REM. Mais ils exhortent le promoteur à prévoir des mesures d'atténuation du bruit avant la construction du réseau, plutôt que de corriger le tir par la suite si le niveau sonore s'avère trop élevé.

« Évidemment, ça va coûter quelques millions, mais c'est un projet de 6 milliards qui sera là pour les prochaines décennies », dit Pierre Mourot.

Tunnel ou dôme

Diverses mesures d'atténuation ont déjà été évoquées par CDPQ, incluant un muret antibruit végétalisé aux abords de la portion la plus problématique. Un moyen inefficace, craignent les citoyens rencontrés par La Presse.

Ils proposent plutôt d'enfouir les voies ferrées entre la sortie du tunnel et l'autoroute 40, sur une distance de presque 2 kilomètres. Une partie du trajet se trouve déjà en travée, ce qui pourrait réduire les coûts d'excavation, font-ils valoir. Un parc linéaire pourrait être aménagé en surface, ajoutent-ils.

À défaut de cette solution coûteuse, ces citoyens de l'enclave aisée suggèrent à CDPQ d'installer un dôme antibruit au-dessus des rails. Ils citent en exemple un « tunnel acoustique » installé au-dessus d'un tronçon d'autoroute près de Varsovie, en Pologne.

CDPQ répond

CDPQ Infra a répondu de façon détaillée aux inquiétudes des citoyens de Mont-Royal, dans un courriel à La Presse. Jean-Vincent Lacroix, porte-parole du groupe, rappelle qu'une rencontre a été organisée le 21 juin dernier en vue de présenter les derniers développements du projet.

« La fréquence des passages du REM sera effectivement plus importante à Ville Mont-Royal que le passage des trains actuels, mais nos analyses ont permis de constater que les impacts significatifs liés au bruit demeurent à l'intérieur du périmètre de l'emprise ferroviaire, soit à environ 15 mètres de part et d'autre du rail (l'emprise ferroviaire fait environ 30 mètres de large) », a-t-il indiqué.

Jean-Vincent Lacroix ajoute que le REM est un système léger sur rail, plus moderne et moins bruyant que les trains de banlieue actuellement en circulation. La propulsion du moteur, les ventilateurs d'aération et le frottement des roues sur les rails seront plus discrets qu'aujourd'hui, fait-il valoir, tandis que certains sons seront éliminés, comme l'alarme de passage à niveau.

«Des millions»

CDPQ Infra dit être ouverte aux solutions pour atténuer le bruit, et précise qu'aucune méthode n'a encore été arrêtée. « Les deux exemples qui vous ont été donnés par les citoyens sont des solutions onéreuses de plusieurs millions de dollars. »

« Il y a plusieurs autres avenues qui peuvent être regardées pour répondre à la situation anticipée », dit Jean-Vincent Lacroix, porte-parole de CDPQ Infra

Selon les analyses sonores déjà effectuées, CDPQ dit avoir ciblé un seul secteur sensible « potentiel », à la sortie du tunnel du Mont-Royal. Des résidences situées le long de ce tronçon peuvent s'attendre à une légère hausse du bruit, ce qui a amené CDPQ à proposer un mur végétalisé.

M. Lacroix souligne que cette étude a été faite en prenant comme hypothèse que le REM générera un bruit similaire à celui de la Canada Line, à Vancouver. Or, la technologie a évolué depuis l'inauguration de ce train léger, il y a sept ans, si bien qu'on prévoit « que la technologie du REM sera probablement plus moderne et donc plus silencieuse ».

Une nouvelle analyse sonore sera effectuée lorsque le fournisseur du matériel roulant aura été choisi par CDPQ, au cours de l'automne. Le groupe s'engage à trouver des solutions pour les secteurs qui se révéleraient toujours problématiques.

Le maire de Mont-Royal, Philippe Roy, entend continuer à soulever les préoccupations de ses citoyens auprès de CDPQ Infra. En entrevue à La Presse, il s'est toutefois dit persuadé que l'organisme respectera ses obligations légales quant aux niveaux sonores tolérés.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Citoyens de Mont-Royal, Pierre Mourot, Catalin Zimbresteanu et Georges Sayegh exhortent CDPQ à prévoir des mesures d'atténuation du bruit avant la construction du REM.