Elle est entrée à la police de Montréal à peine dix ans après que l'organisation eut ouvert les portes aux femmes. Pendant des années, elle a travaillé entourée uniquement d'hommes. Mercredi, Simonetta Barth a fracassé une barrière symbolique en étant désignée future numéro 2 du SPVM, le poste le plus élevé atteint par une policière dans la métropole. Une victoire symbolique pour les femmes, mais aussi pour la faction plus « communautaire » au sein du corps policier.

Celle qui entrera bientôt en fonction comme directrice adjointe ne semblait pas destinée à devenir policière. Dans les années 80, la native de l'Ouest-De-L'Île n'avait personne, dans sa famille ou parmi ses amis, qui portait l'uniforme. Elle avait étudié en technique en informatique au cégep Dawson et travaillé trois ans dans ce domaine. Encore aujourd'hui, son conjoint et plusieurs de ses amis évoluent dans cette industrie.

« Mais je n'étais pas très contente d'être assise derrière un bureau tout le temps », se rappelle-t-elle.

Une rencontre de sa mère

En 1987, un drame secoue la métropole lorsqu'un jeune noir, Anthony Griffin, est tué par balles pendant une opération policière qui tourne mal. Pour apaiser les tensions, le directeur Roland Bourget crée un ambitieux programme de rapprochement avec la communauté, notamment au moyen de tables de concertation avec les groupes issus de l'immigration.

La mère de Simonetta Barth, Marisa Ferretti Barth, en fait partie à titre de représentante de la communauté italienne. Mme Ferretti Barth (qui allait plus tard être nommée sénatrice par le premier ministre Jean Chrétien) est alors directrice générale du Conseil régional des personnes âgées italo-canadiennes.

« Ma mère était très motivée par ces rencontres. Elle est arrivée à la maison et elle m'a dit qu'elle avait rencontré le directeur de police. J'écoutais et je me suis dit : "Wow, ça doit être un travail intéressant !" », raconte Simonetta Barth.

Peu après, la jeune informaticienne a vu une affiche de recrutement pour le service de police. « J'ai toujours voulu être dehors, avec les gens. Et le côté communautaire, ma mère l'avait déjà, je connaissais ça. Alors je me suis dit, pourquoi pas ? »

Faire sa place

Devenue agente en 1989, elle a vite compris que les policières devaient faire preuve de persévérance pour se faire respecter dans une organisation autrefois réservée aux hommes. « J'ai été deux ans dans une équipe de travail où j'étais la seule femme. C'est sûr qu'il y a eu des hauts et des bas », dit-elle sans donner plus de détails.

Ceux qui la connaissent sont unanimes : elle ne s'en laissait pas imposer.

« Elle ne se laisse pas faire. Elle est capable d'en prendre... et d'en donner ! Les policières au service sont fières d'elles. Sa nomination c'est un changement, un moment significatif pour tout le monde », affirme son amie de longue date, l'inspectrice Natalia Shuster.

Même son de cloche chez Yves Francoeur, président de la Fraternité des policiers de Montréal, qui a été le supérieur de Mme Barth sur la patrouille avant de se consacrer au syndicalisme. « Elle ne se laisse pas piler sur les pieds. C'est une très bonne policière, avec beaucoup de droiture et de rigueur. On va laisser la chance au coureur et voir comment elle va se développer dans son nouveau poste », dit-il.

« Très communautaire »

Devenue commandante du poste de quartier 26, dans Côte-des-Neiges, Simonetta Barth s'est beaucoup consacrée aux relations avec les différentes communautés de ce quartier multiethnique. « Elle est très communautaire, c'était beaucoup les personnes âgées, les commerçants, les relations avec la politique », se souvient un policier qui l'a côtoyée au fil des ans.

Elle n'a jamais travaillé aux enquêtes criminelles et ne s'est pas particulièrement consacrée à l'aspect répressif du travail policier, si bien que certaines unités se demandent sans doute si elle est bien sensible à leur réalité.

Passée au quartier général il y a quelques années, elle s'est occupée de plusieurs projets, notamment l'implantation d'un système qui permet aux citoyens de porter plainte sur internet pour un délit mineur, plutôt que de se rendre au poste en personne. Elle a terminé une maîtrise en parallèle et participé à un programme international de pointe pour leaders policiers appelé Pearls in Policing. C'est l'ancien directeur du SPVM Marc Parent qui l'avait choisie pour assister à cette série de rencontres en Australie, à Hong Kong et au Danemark, où elle côtoyait des sommités de partout dans le monde.

Elle leur a notamment exposé les initiatives de patrouilles mixtes du SPVM avec des intervenants du secteur de la santé et des services sociaux pour intervenir auprès des sans-abri et des personnes souffrant de maladie mentale. Deux projets dont elle se dit particulièrement fière.

Mercredi matin, le directeur Philippe Pichet l'a informée qu'elle remplacerait le directeur adjoint Didier Deramond, numéro 2 du SPVM, lorsque celui-ci quitterait ses fonctions à la fin de l'été pour prendre la tête de l'Association des chefs de police du Québec.

Très fière

« Je n'aime pas parler de moi. Mais je suis très fière, très contente pour ce que ça représente. C'était une agréable surprise. Je travaille fort, mais j'ai surtout une bonne équipe. Et ce qui est important, c'est qu'ils travaillent avec moi, pas pour moi », explique Mme Barth avec émotion.

Pour l'ancien directeur du SPVM Marc Parent, cette nomination est encourageante.

« Ça démontre que tout ce qui s'est fait au fil des ans pour avoir une bonne représentation des femmes, ça paye aujourd'hui. Les choses sont en train de changer. Je suis très heureux pour la relève, j'espère que ça va inspirer toujours plus de policières à relever des défis de commandement », dit-il.