Ex-chef de la direction financière, et conseiller chez Google. Habite Palo Alto, en Californie.

Votre premier ou votre plus beau souvenir de Montréal ?

Mon premier souvenir: j'avais 5 ans. Je me souviens de quitter notre banlieue pour faire un long voyage, en auto, avec mes parents, jusqu'à... Montréal. Dans le monorail, sur place, on voyait toutes sortes de pavillons extraordinaires du haut des airs. C'était incroyable ! Beau Dommage l'a bien chanté : « En 67 tout était beau. C'était l'année de l'amour, c'était l'année de l'Expo ». Ce grand rendez-vous international m'a tellement marqué que je m'en rappelle encore aujourd'hui.

Mon plus beau souvenir : la solidarité lors du verglas de 1998. Même si une bonne partie du centre-ville était dans le noir complet, Montréal n'a connu aucun crime sérieux. Aucune vitre brisée. Aucun pillage. C'est comme si les criminels s'étaient tous dit : « OK, on est peut-être des bandits, mais, étant donné la circonstance, il ne faut pas exagérer ! » Au contraire, on a vu les voisins s'entraider. Et la communauté s'est ralliée autour des besoins les plus urgents, comme ceux des personnes âgées. Pour une grande ville, c'est un exploit pour lequel j'ai beaucoup de fierté et d'admiration. J'ose à peine imaginer comment l'histoire aurait été différente dans une ville des États-Unis, où j'habite maintenant. On se souvient de Katrina...

Que représente Montréal pour vous ?

C'est une ville bénie, éternellement jeune, grâce à ses quatre universités : un véritable trésor à chérir. Et avec la jeunesse viennent l'optimisme, l'idéalisme et l'énergie de faire bouger les choses. En plus, on y reçoit des gens des quatre coins du monde. Quand je marche à Montréal, j'adore sentir ce vent de promesse qu'est la jeunesse d'aujourd'hui.

C'est une magnifique mosaïque culturelle à échelle humaine. C'est comme une courtepointe de cultures cousues très près les unes des autres. Chaque quartier de Montréal est petit (si je compare avec les grandes villes américaines), mais cela les rend charmants et véritables. Quartiers chinois, portugais, juif, italien, grec, etc., partout on est accueilli à bras ouverts pour découvrir la culture, les restaurants et les festivals. J'y vais spécialement pour la bouffe. Nous, les Montréalais, on en est fous, et en quelques kilomètres, on peut traverser plusieurs continents.

C'est malheureusement une infrastructure qui s'écroule. Montréal a attendu trop longtemps pour s'en occuper. Et ça paraît. C'est maintenant difficile de tout remettre en bon état. Nos routes et nos ponts sont pires que dans bien des pays d'Afrique ou d'Asie où j'ai voyagé. Et le transport public reste très limité par rapport aux grandes villes européennes. Et comble de malheur, au lieu de rebâtir en innovant pour répondre aux besoins de demain, on s'affaire souvent à reconstruire avec les réponses d'hier - par exemple l'échangeur Turcot, où l'on reconstruit les mêmes horreurs visuelles vouées à la même congestion structurelle. On mérite mieux que ça.

Quelle est la plus grande qualité et quel est le plus grand défaut de Montréal ?

D'abord, sa qualité de vie et sa joie de vivre. Montréal sait travailler fort, comme on le fait en Amérique du Nord. Et elle sait aussi prendre le temps de vivre, comme on le fait en Europe. C'est un équilibre très difficile à trouver de nos jours. Comme les villes de Vancouver ou de Portland, en Oregon, Montréal trouve le juste milieu pour une vie riche et équilibrée. J'adore.

Pour moi, Montréal a le défaut de se comparer et de se mettre en compétition avec Toronto. Dans ce monde global et concurrentiel, le Canada est un tout petit pays. Mais vraiment tout petit. Alors, se comparer à une autre grande ville canadienne, c'est poser la mauvaise question. C'est notre version moderne de nos vieilles chicanes de clocher. C'est ridicule ! Au contraire, je crois qu'il faut coopérer beaucoup plus avec Toronto (et vice versa) pour, ensemble, bâtir des sociétés canadiennes capables de prendre leur place à travers le monde.

Que souhaitez-vous à Montréal pour son 375e anniversaire ?

Je souhaite un nouveau souffle d'entrepreneuriat pour créer, dans notre ville, les prochains champions mondiaux à Montréal, ainsi qu'au Québec et au Canada (Toronto, Edmonton, etc.). Ces emplois sont nécessaires aux prochaines générations. Ils offriront la richesse requise pour supporter nos institutions publiques et assurer notre paix sociale qui fait du Canada l'un des pays les plus respectés et les plus désirés au monde.

- propos recueillis par Réjean Bourdeau