De plus en plus réfractaire à payer des extras aux entrepreneurs, la Ville de Montréal a entrepris de réclamer d'importants dédommagements à ceux qui intentent des recours judiciaires contre elle.

Depuis le début de 2017, la métropole a effectué trois demandes reconventionnelles dans le cadre de poursuites la visant pour obtenir des extras. Par ces démarches, la Ville tente de convaincre les tribunaux que non seulement elle ne doit pas débourser de sommes supplémentaires aux entrepreneurs, mais que c'est elle qui doit être dédommagée.

La plus récente demande reconventionnelle vise la société Edilbec. Cette entreprise a intenté en novembre 2015 une poursuite de 489 000 $ contre Montréal pour réclamer des sommes impayées et des frais additionnels dans le cadre d'un contrat de 10,4 millions pour la réfection de l'aréna Martin-Brodeur. Celle-ci avance que la Ville a imposé en cours de route plusieurs changements qui ont prolongé le chantier.

Refusant de payer, Montréal a décidé de profiter de ce recours pour réclamer au contraire l'imposition de 1,3 million en frais de retard, les travaux de réfection de l'aréna ayant été terminés 139 jours plus tard que prévu au départ.

La métropole demande aussi 87 143 $ pour des travaux correctifs qu'elle affirme avoir dû faire après avoir pris possession du bâtiment.

C'est le deuxième dossier du genre avec Edilbec, qui a aussi intenté une poursuite de 265 000 $ en septembre 2013 dans le cadre de la réfection du complexe sportif Claude-Robillard. En juin 2016, Montréal a décidé de réclamer 436 000 $ en frais de retard pour ce chantier terminé 413 jours plus tard que prévu.

D'AUTRES CONTRE-ATTAQUES

« C'est ridicule. C'est la nouvelle tactique de la Ville pour retarder les procédures judiciaires », déplore Raimondo Savo, président d'Edilbec.

Il n'est pas le seul à faire face à de telles démarches. Au début du mois de février, Montréal a aussi autorisé ses avocats à réclamer 600 000 $ à une autre entreprise, Groupe Dubé, qui a effectué la réfection du bassin du lac aux Castors, au sommet du mont Royal. Cette demande a aussi été faite dans le cadre d'une poursuite intentée par cet entrepreneur, qui réclame 770 000 $ en frais supplémentaires pour ce chantier. Pour justifier sa demande de dédommagement, la Ville indique que les travaux devaient être terminés le 12 décembre 2012, mais ont été terminés avec 154 jours plus tard.

Ironiquement, les avocats de Montréal disent avoir découvert ce retard en mai 2016 seulement, quand une série de courriels ont été déposés dans le cadre des procédures judiciaires. « Il a été constaté qu'à plusieurs endroits, la Ville et la firme de consultants [représentant Montréal sur le chantier] reprochaient d'importants retards », peut-on lire dans la demande.

À ces cas s'ajoute une réclamation de 135 000 $ faite à une compagnie d'assurances, Travelers du Canada, qui poursuit Montréal pour des extras dans un chantier de l'ex-entreprise de Lino Zambito, Infrabec.

L'administration Coderre, qui a autorisé ces demandes reconventionnelles, n'a pas voulu commenter les dossiers, disant qu'il ne s'agissait pas « d'une stratégie politique, mais d'une décision du contentieux ».