La présence d'un dangereux pesticide a été détectée dans l'eau potable de Montréal et de Toronto au moment où Santé Canada doit se prononcer à nouveau sur l'utilisation de ce produit au pays.

Des échantillons d'eau du robinet de Montréal analysés pour le compte d'Équiterre ont montré des concentrations d'atrazine inférieures aux normes canadiennes, mais supérieures à celles de l'Union européenne (UE), qui interdit l'utilisation de cette substance active d'un herbicide couramment utilisé en agriculture.

Équiterre a rendu publics hier les résultats de ces analyses effectuées par Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l'Université de Montréal. Une cinquantaine d'échantillons ont été recueillis par son équipe. En 2016, les échantillons prélevés en juin, juillet et août montraient une concentration deux fois supérieure aux normes de l'UE.

« Ce qu'on soupçonnait a été révélé par les chercheurs, affirme Sydney Ribaux, directeur général d'Équiterre. On pense maintenant que la balle est dans le camp de la ministre de la Santé [Jane Philpott]. C'est un des pesticides les plus dangereux pour la santé humaine. Si l'atrazine est permis, on se demande bien quel pesticide sera alors interdit. »

ANALYSE DE SANTÉ CANADA

En entrevue avec La Presse, M. Ribaux explique que la loi canadienne prévoit que Santé Canada doit réévaluer l'utilisation d'un produit si un autre pays l'a inscrit sur sa liste noire. L'atrazine est interdit depuis 2003 dans l'Union européenne. L'agence fédérale aurait terminé son analyse et sa recommandation serait toujours favorable à l'utilisation de l'atrazine.

Le hic, selon le directeur général d'Équiterre, c'est que Santé Canada se serait contenté d'analyser les eaux souterraines, « alors qu'on sait que la majorité de la population tire son eau potable des eaux de surface ».

Santé Canada n'a pas rappelé La Presse.

L'atrazine, rappelons-le, a été largement popularisé en agriculture à partir des années 60 en raison de son efficacité et de son coût peu élevé. Une étude réalisée en 2011 en France par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale a démontré que l'atrazine pouvait empêcher le développement normal d'un foetus chez une femme enceinte exposée à ce produit.

« PRINCIPE DE PRÉCAUTION »

Selon Maryse Bouchard, professeure à l'École de santé publique de l'Université de Montréal, les analyses de Sébastien Sauvé montrent une « présence inquiétante » d'atrazine dans des échantillons provenant de l'eau de robinet à Montréal.

« Les données indiquent qu'on devrait revoir nos évaluations et réduire l'utilisation de l'atrazine, indique Mme Bouchard. Notre niveau de certitude n'est pas aussi élevé qu'avec le plomb ou le mercure, mais il faudrait quand même faire preuve de davantage de prudence avec l'atrazine. »

C'est d'ailleurs la principale critique formulée par Sydney Ribaux à l'endroit de Santé Canada. « Il faut garder en tête le principe de précaution. [Chez Santé Canada], on a fait l'erreur de penser que le client, ce n'est pas le citoyen, mais plutôt l'entreprise qui veut faire approuver son produit. »