Maintenant que les élus montréalais ont adopté à l'unanimité la déclaration pour faire de Montréal une ville sanctuaire pour les sans-papiers, le maire Denis Coderre appelle le gouvernement québécois à lui emboîter le pas.

Le conseil municipal de Montréal a entériné à l'unanimité cet après-midi la déclaration afin de faire de Montréal une ville sanctuaire, c'est-à-dire où les sans-papiers n'auront pas à craindre d'être déportés s'ils font appel aux services. «C'est un moment historique, ça envoie un message fort», s'est félicité Denis Coderre.

Le maire a souligné que le flot de réfugiés arrivant par la frontière terrestre a explosé depuis le début de l'année. On rapporte en janvier l'interception de 452 personnes, soit 315 de plus qu'à pareille date l'an dernier.

La conseillère indépendante Lorraine Pagé a appuyé la déclaration, mais estimé que la métropole devait aussi faire pression sur Québec pour que l'éducation figure parmi les services assurés aux sans-papiers. Le message a été entendu, a assuré Denis Coderre, qui appelle le gouvernement provincial à imiter Montréal.

«On leur demande d'emboîter le pas. C'est au même titre qu'on a aidé les "boat people" et les réfugiés syriens. La question est qu'est-ce qu'on fait pour ceux qui sont ici depuis 6 ou 7 ans ou les gens sans papier. Il faut régulariser leur situation», a dit le maire.

Projet Montréal aussi a appuyé la motion, mais dit attendre des gestes concrets. «Le but de la déclaration est très noble, mais nous n'avons pas tous les outils nécessaires pour déclarer que la ville est un sanctuaire. Il ne faut pas créer un faux sentiment de sécurité pour des gens vulnérables», a dit Valérie Plante.

Pas assez loin, selon un groupe

La déclaration mise de l'avant par le maire Denis Coderre et appuyée par le parti d'opposition Projet Montréal ne va pas assez loin pour protéger les sans-papiers, selon les groupes qui leur viennent en aide.

Gloria, immigrante latino-américaine sans statut légal, a été détenue, menottée et risque la déportation, après avoir été interceptée par la police pour avoir traversé la rue sur un feu rouge, à Montréal.

«Je ne suis pas une criminelle, mais j'ai été arrêtée, fouillée et emprisonnée, juste pour avoir traversé la rue à un endroit interdit, raconte Gloria. Maintenant, j'ai peur de la police.»

Une «ville sanctuaire» devrait permettre aux immigrants vulnérables sans statut légal de vaquer à leurs occupations sans crainte d'être dénoncés aux autorités de l'immigration et déportés, souligne l'organisme Solidarité sans frontières. Or la déclaration adoptée par les élus de Montréal est insuffisante pour protéger les personnes comme Gloria, qui vit à Montréal depuis sept ans. La femme menue, âgée dans la cinquantaine, a témoigné en portant un masque, pour protéger son identité, ce matin, à la conférence de presse organisée par Solidarité sans frontières et d'autres groupes d'aide aux sans-papiers.

«C'est une déclaration seulement symbolique, vide et limitée, qui est inadéquate pour répondre aux besoins des personnes sans papiers, souligne Rosalind Wong, militante au sein de Solidarité sans frontières. Nous voulons des mesures concrètes et tangibles.»

La première mesure que réclament les groupes de défense des sans-papiers, c'est qu'il n'y ait aucune collaboration entre la police de Montréal et les services frontaliers, pour éviter la déportation des immigrants sans statut qui se font parfois arrêter pour des délits mineurs.

Denis Coderre assure cependant que le titre de «ville sanctuaire» sera suivi d'actions bien concrètes pour aider les personnes sans statut légal. «Il y a un travail qui va se faire avec la sécurité publique pour que ces gens n'aient pas de craintes d'être dénoncés», a-t-il notamment indiqué, au cours d'un point de presse à la suite du vote au conseil municipal. «Mais on envoie aussi un message que ces gens sont des victimes et ont besoin d'aide», a-t-il ajouté, promettant de demander au gouvernement du Québec d'emboîter le pas à Montréal pour que les sans papiers aient accès aux soins de santé et au système d'éducation.

La déclaration entérinée par les élus municipaux affirme l'engagement de la Ville «à assurer la protection et l'accessibilité de ses services à toute personne sans statut légal qui vit sur son territoire, indépendamment de sa condition sociale et de son appartenance ethnique ou religieuse».

La Commission de la sécurité publique devra trouver avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) «une approche pour s'assurer qu'une personne sans statut légal dans une position de vulnérabilité puisse avoir accès aux services de sécurité publique municipaux sans risque d'être dénoncée aux autorités d'immigration ou déportée», sauf si cette personne est recherchée pour des infractions criminelles.

L'adoption de la déclaration n'a donc pas pour effet immédiat de protéger les immigrants sans statut, qui seraient 50 000 à Montréal, selon les estimations de Solidarité sans frontières.