Les résidants de Montréal-Nord se sentent de moins en moins en sécurité dans leur quartier depuis trois ans, selon un sondage du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), que La Presse a obtenu. Ils montrent du doigt les problèmes de gangs de rue et de cambriolages dans leur quartier, et ils ont la confiance en berne par rapport à l'efficacité de la police, même s'ils l'appuient encore majoritairement.

CHANGEMENT « SIGNIFICATIF »

L'étude, réalisée tous les trois ans pour le territoire de chaque poste, conclut que le sentiment de sécurité a « diminué de manière significative depuis 2013 » dans le quartier : ainsi, 74 % des répondants évaluent que leur quartier est sécuritaire, contre 84 % il y a trois ans. Dans les deux cas, c'est une proportion beaucoup moins élevée que pour l'ensemble de la ville de Montréal, où 91 % des répondants s'estiment en sécurité. Montréal-Nord est le seul quartier où le changement est notable parmi les 10 secteurs sondés l'an dernier.

Les proportions de Nord-Montréalais « qui se disent inquiets de marcher seuls le soir dans leur quartier ou dans un parc, ou qui évitent certains secteurs ont augmenté de manière significative depuis 2013 », ajoute le document.

GANGS, VIOLENCE, DROGUE

« Dans mon quartier, il y a "beaucoup ou moyennement" de problèmes de... » 

VIOLENCE

• MONTRÉAL-NORD 2013 : 45 %

• MONTRÉAL-NORD 2016 : 47 %

• MONTRÉAL 2014 : 28 %

GANGS DE RUE

• MONTRÉAL-NORD 2013 : 47 %

• MONTRÉAL-NORD 2016 : 57 %

• MONTRÉAL 2014 : 24 %

CAMBRIOLAGES

• MONTRÉAL-NORD 2013 : 29 %

• MONTRÉAL-NORD 2016 : 37 %

• MONTRÉAL 2014 : 30 %

DROGUE

• MONTRÉAL-NORD 2013 : 55 %

• MONTRÉAL-NORD 2016 : 59 %

• MONTRÉAL 2014 : 44 %

SUR LE TERRAIN

Sur le terrain, on remarque la persistance d'un sentiment d'insécurité chez les Nord-Montréalais, malgré les chiffres qui montrent une amélioration de la situation réelle, affirment les animateurs de deux organismes communautaires. « Les gens perçoivent que l'insécurité est toujours là, ils ont peur de problèmes », même si « la réalité est tout autre », a soutenu Guillaume André, du Centre communautaire multiethnique.

« Les citoyens disent qu'il y a une augmentation de l'insécurité, mais le SPVM dit qu'au niveau statistique, il y a moins de criminalité, alors on ne sait pas où se situer », a dit Brunilda Reyes, de l'organisme Les Fourchettes de l'espoir.

DES EFFETS CONCRETS

Ce sentiment d'insécurité a des effets concrets sur la qualité de vie des résidants du secteur. Ils sont « nettement plus nombreux que la moyenne [des Montréalais] à se dire inquiets de marcher seuls le soir dans leur quartier » ou « dans un parc », et ils évitent souvent certains secteurs. Ces inquiétudes ont « augmenté de manière significative depuis 2013 », ajoute le rapport du sondage.

JUGEMENT SÉVÈRE

Les résidants de Montréal-Nord font confiance à leurs policiers : c'est le cas de presque neuf répondants sur dix. Mais ils sont beaucoup plus sévères lorsque vient le temps de juger de l'efficacité du service de police, en chute libre par rapport à 2013 : l'étude suggère que seuls 72 % des résidants croient que le SPVM s'occupe efficacement de la criminalité (84 % en 2013) et 68 %, des « problèmes d'incivilités et de désordres » (84 % en 2013).

LA MAIRESSE DOUTE...

Le sondage a été effectué par la firme Altus pour le compte du SPVM en mai et juin derniers, et le rapport d'analyse du service de police est daté de juillet. Immédiatement après des épisodes où la sécurité à Montréal-Nord a été sous les projecteurs, notamment avec la mort de Jean-Pierre Bony lors d'une frappe policière, a souligné la mairesse d'arrondissement Christine Black en entrevue avec La Presse. « Je me dis que peut-être que ces éléments ont pu influencer les perceptions des gens, a dit Mme Black. [Le sondage] a été une sorte de surprise, parce que sur le terrain, ce n'est pas tout à fait ce que j'entends. »

... LE SPVM AUSSI

La police doute elle aussi de ses propres chiffres. « La criminalité a baissé de 7 % » au cours de la même période, a souligné l'inspecteur-chef Gino Dubé, patron de la région Est au SPVM. « Il est évident que certains évènements ponctuels vont jouer sur les perceptions des citoyens : si vous avez un appel pour des coups de feu ou un déploiement policier [...] et que le citoyen est sondé dans la même semaine ou quelques jours après, c'est sûr que sa perception et son sentiment de sécurité sont affectés ». L'inspecteur-chef Dubé dit aussi que les rencontres effectuées par le commandant du poste de quartier avec des résidants donnent des résultats inverses, a-t-il ajouté.

MONTRÉAL-NORD COMPARÉ

Proportion des résidants qui estiment que leur quartier est « très » ou « moyennement » sécuritaire :

• MONTRÉAL-NORD : 74 %

• HOCHELAGA-MAISONNEUVE : 80 %

• NOTRE-DAME-DE-GRÂCE : 95 %

• ROSEMONT : 95 %

• VILLE-MARIE OUEST/WESTMOUNT : 95 %

• MERCIER : 95 %

• VILLERAY : 96 %

• PETITE-ITALIE/PETITE-PATRIE : 98 %

MÉTHODOLOGIE 

Selon le SPVM, le sondage « a été réalisé en mai et juin 2016 ». Un total de 339 résidants du quartier, « âgés de 15 ans ou plus, ont répondu soit par téléphone (165 répondants), soit sur le web (174 répondants) ». Les données ont été pondérées selon l'âge et le sexe des répondants. Le rapport ne mentionne pas de marge d'erreur.

- Avec William Leclerc, La Presse