« Le Québec est une des deux seules provinces où je n'ai pas encore été arrêté. Je suis prêt à aller en prison. Emprisonnez-moi si vous le voulez ! »

C'est par cette bravade à l'intention des policiers montréalais que Marc Emery, autoproclamé le « Prince du pot » au Canada, a ouvert ce matin à Montréal un des huit magasins où il entend vendre illégalement de la marijuana à toute personne âgée de plus de 19 ans.

Devant des dizaines d'acheteurs enthousiastes, Marc Emery et son épouse Jodie ont annoncé qu'ils ouvriront au total 10 magasins à Montréal sous la bannière Cannabis Culture, où aucune carte de consommation médicale ne sera exigée.

Le Prince du pot a ensuite provoqué une véritable cohue en distribuant gratuitement des cocottes de cannabis aux curieux qui s'étaient rassemblés dans le petit commerce du 2200 avenue du Mont-Royal Est.

« Nous savons que c'est illégal (de vendre de la marijuana). Si les policiers veulent mettre la loi en application, alors Justin Trudeau devrait lui-même se livrer à la police pour possession et fabrication de marijuana lorsqu'il a lui-même passé un joint », a lancé Jodie Emery.

En vertu de la réglementation actuelle, de tels établissements demeurent illégaux. Le premier ministre Justin Trudeau soutient que les restrictions relatives à la marijuana s'imposent toujours, et ce, jusqu'à leur assouplissement officiel.

Dans son rapport, le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a recommandé que la nouvelle loi permette les ventes en magasin et les commandes postales pour les Canadiens ayant atteint la majorité.

Des détaillants de Cannabis Culture situés en Colombie-Britannique et dans les villes ontariennes de Toronto et Peterborough ont déjà fait l'objet de descentes policières.

« J'espère qu'ils seront plus progressistes et tolérants et qu'ils permettront à notre entreprise d'opérer tant que nous ne faisons pas de mal », a poursuivi Jodie Emery, qui croit que ses franchises pourraient servir de modèle pour toute future distribution légale.

Mme Emery, présente à Montréal à l'occasion des lancements, avait rapporté que ni les policiers ni les autorités municipales ne l'avaient contactée en début de semaine.

Dans un communiqué, le Service de police de la Ville de Montréal (SVPM) a signalé plus tôt cette semaine que de tels «dispensaires» sont interdits et que ses agents pourraient intervenir en cas d'infraction.

Interrogé sur ces ouvertures imminentes, le maire Denis Coderre a lui aussi rappelé que les lois fédérales sont toujours en vigueur, ajoutant toutefois qu'elles seraient modifiées au printemps prochain. Il a mentionné dans un tweet que ce sera tolérance zéro pour les boutiques qui ne respecteront pas la loi actuelle.

Patrick Sanfaçon, La Presse

Marc Emery, le « prince du pot » canadien, était visiblement heureux par l'ouverture de boutiques à Montréal.

Mme Emery précise que si des rafles policières frappent les commerces montréalais, elle compte les rouvrir dès le lendemain.

«La menace d'arrestation fait partie de la désobéissance civile», a-t-elle exposé. «Nous la transgressons publiquement pour démontrer l'injustice de la loi. Si l'on subit une descente, ça ne fera que prouver qu'on fait du tort à des gens pacifiques, non violents.»

Voici les adresses des 8 commerces ouverts aujourd'hui:

• 1863, rue Amherst

• 1412, boulevard Pie-IX

• 8870, boulevard Saint-Michel

• 7130, boulevard Saint-Laurent

• 2200, avenue du Mont-Royal Est

• 3804, boulevard Saint-Laurent

• 1431B, rue Bishop

• 4961, chemin Queen-Mary

Achat de cannabis: Trudeau d'accord avec l'âge minimum de 18 ans

Le premier ministre Justin Trudeau approuve l'établissement de 18 ans comme âge minimum national pour l'achat de cannabis.

«Ce que je trouve, c'est que la proposition d'avoir 18 ans, 19 ans possible dans certaines provinces (...) c'est un compromis raisonnable», a-t-il dit en marge d'une annonce, jeudi.

«On sait que les plus grands méfaits de l'utilisation de la marijuana se passent à un âge plus bas que 18, 19 ans, et je pense que c'est une approche responsable que nous avons trouvée en termes d'équilibre pratique et utile», a poursuivi M. Trudeau.

Le premier ministre a par ailleurs confirmé, comme l'avaient fait avant lui les trois ministres qui pilotent ce dossier, que le fédéral a toujours l'intention de déposer son projet de loi sur la légalisation au printemps 2017.

«Nous sommes encore confiants que nous allons pouvoir avancer (...) au printemps», a-t-il dit, remerciant au passage le groupe de travail sur la légalisation du cannabis, qui a déposé mardi un rapport contenant quelque 80 recommandations, dont celle sur l'âge minimum national.

Dans son rapport, le groupe qui était présidé par Anne McLellan, ancienne ministre libérale de la Justice, souligne avoir entendu à plusieurs reprises que la fixation d'un âge trop élevé pour l'achat de cannabis risquait d'inciter les jeunes à se tourner vers le marché illicite.

Des représentants en matière de santé publique, dont l'Association médicale canadienne (AMC), avaient préconisé l'établissement de l'âge minimum à 21 ans, mais il n'y a pas consensus «concernant l'âge sécuritaire pour la consommation du cannabis», a noté le groupe de travail.

Il a ainsi recommandé au gouvernement fédéral d'établir l'âge minimum national à 18 ans, tout en laissant aux provinces et territoires le droit «de l'harmoniser avec leur âge minimum pour l'achat d'alcool», qui est de 19 ans dans certaines provinces.

Les recommandations du rapport McLellan ne sont pas contraignantes; aussi l'AMC compte-t-elle continuer à plaider sa cause lors du processus d'élaboration du projet de loi, a indiqué son vice-président, le docteur Jeff Blackmer.

«Le cerveau humain se développe jusqu'à l'âge de 25 ans. On sait que si les jeunes consomment de la marijuana lorsque le cerveau se développe encore, il y a des effets néfastes», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

«Dans un monde idéal, si on utilisait seulement (les données scientifiques), l'âge minimum pour l'achat de cannabis serait de 25 ans. Mais on sait qu'il y a d'autres considérations qui sont aussi importantes», a poursuivi le docteur Blackmer.

Et ultimement, «ce n'est pas seulement au premier ministre, mais à tous les membres du Parlement», de statuer sur cette question et sur la panoplie d'autres que soulève la légalisation du cannabis, a-t-il fait remarquer.

- Mélanie Marquis, La Presse canadienne