Les propriétaires de pitbull devront se plier au sévère Règlement sur le contrôle des animaux de la Ville de Montréal s'ils veulent conserver leur animal, a tranché jeudi la Cour d'appel du Québec. Jusqu'à ce que les tribunaux se prononcent sur la validité du règlement sur le fond, il sera également interdit de se procurer un chien de type pitbull à Montréal.

Le plus haut tribunal de la province a cassé jeudi l'ordonnance de sursis prononcé par la Cour supérieure le 5 octobre dernier. Le juge Louis J. Gouin avait alors suspendu temporairement les articles litigieux du règlement sur les pitbulls à la suite d'une injonction déposée par la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) et une citoyenne, Odette Lours.

Selon les trois juges de la Cour d'appel, le juge Gouin a commis des erreurs «déterminantes» dans son jugement en ne considérant pas que le Règlement de la Ville ait été «adopté pour le bien du public» pour servir un «objectif d'intérêt général valable», en citant un jugement de la Cour suprême. De plus, la SPCA et Mme Lours ne pouvaient «prétendre à l'existence d'un droit clair» pour plaider un «préjudice irréparable» à leur endroit.

Ainsi, le juge Gouin aurait dû limiter son ordonnance de sursis aux «seules dispositions litigieuses susceptibles d'occasionner un préjudice irréparable, soit celles relatives à l'euthanasie et à l'interdiction pour son propriétaire de prendre possession d'un chien de type Pitbull», ont déterminé les juges François Pelletier, Manon Savard et Jean-François Émond.

La Ville de Montréal s'est d'ailleurs engagée à émettre une directive administrative pour s'assurer qu'aucun chien de type pitbull ne soit euthanasié sans preuve que le chien soit «dangereux, à risque, errant, mourant, gravement blessé ou hautement contagieux». Aussi, le gardien d'un animal pourra reprendre possession de son pitbull selon certaines conditions, seulement si le chien n'est pas «à risque, dangereux ou hybride». Ces directives resteront en vigueur jusqu'au jugement sur le fond.

Dans une remarque additionnelle à la fin du jugement, la Cour d'appel gronde les parties pour ne pas avoir fait progresser le dossier pendant le pourvoi en contrôle judiciaire. «Un tel comportement est pour le moins étonnant. [...] Mais si les parties ne posent pas de façon diligente les gestes nécessaires pour progresser leurs dossiers, les juges ne pourront, à eux seuls, régler les problèmes de délai actuels du système judiciaire», dénoncent les trois juges. La date du procès n'a pas encore été déterminée.

La SPCA «extrêmement» déçue

La SPCA s'est dite «extrêmement» déçue par le jugement de la Cour d'appel et a promis de poursuivre la lutte contre les «articles répressifs et discriminatoires» du règlement montréalais. «La SPCA de Montréal a comme mission première de protéger tous les animaux, indistinctement de leur espèce ou de leur race. D'être incapable de trouver des familles pour des chiens et des chiots en santé, adoptables et sans problème de comportement, va à l'encontre de l'essence même de tout ce pour quoi notre organisme se bat et nous communiquerons donc sous peu avec nos partenaires municipaux afin de réviser nos contrats de service animalier actuellement en vigueur», a affirmé Me Sophie Gaillard, avocate au département de défense des animaux de la SPCA de Montréal, dans un communiqué.

Ce jugement est une «victoire importante» qui prouve la « nécessité de réglementer la possession de chiens qui peuvent représenter un danger», s'est réjoui le maire de Montréal Denis Coderre, jeudi soir dans un communiqué. «Ma priorité a toujours été d'assurer la sécurité des citoyens. Les nouveaux chiens de type Pit bull sont bel et bien interdits à Montréal », a-t-il affirmé.

Le porte-parole de Projet Montréal en matière de gestion animale, l'élu Sterling Downey, estime que les dispositions du règlement concernant les pitbulls seront «ultimement invalidées» par les tribunaux. «Le jugement rendu aujourd'hui ne change rien au fait que le règlement sur la gestion animalière de la Ville est inapplicable et qu'il ne permettra pas de réduire le nombre de morsures. De plus, ce jugement risque de créer encore davantage de confusion auprès des propriétaires de chiens», a-t-il déclaré. Projet Montréal déplore que la Ville ait dépensé 62 000 $ en frais juridiques pour assurer sa défense.

Un règlement très sévère

Les propriétaires montréalais de chien de type Pitbull doivent ainsi respecter une série d'obligations pour conserver leur animal: obtenir un permis spécial de garde, fournir une preuve de stérilisation du chien, fournir une preuve de vaccination du chien contre la rage, fournir une preuve que le chien est muni d'une micropuce et obtenir un certificat de recherche négatif de casier judiciaire ou une attestation spéciale de la police dans le cas contraire.

Aussi, les chiens de type Pitbull de Montréal devront être muselés en tout temps à l'extérieur d'un bâtiment et devront être tenus par une laisse d'une longueur maximale de 1,25 mètre, sauf dans les airs d'exercice canin ou dans un lieu fermé par une clôture d'une hauteur minimale deux mètres.

Selon le Règlement sur le contrôle des animaux, les espèces de chiens suivantes rentrent dans la catégorie «chien de type Pitbull» : Pitbull terrier américain, Terrier américain du Staffordshire et Bull terrier du Staffordshire. Les chiens issus d'un croisement de ces trois races sont aussi touchés par le règlement, de même que les chiens qui présentent «plusieurs caractéristiques morphologiques» de ces races.