Les plans de Montréal de réaménager une vingtaine de kilomètres de rives pour tourner le centre-ville vers le fleuve inquiètent l'Administration portuaire de Montréal (APM). Dans un mémoire présenté dans le cadre de la consultation publique présentement en cours, le Port avance que perturber ses opérations risquerait d'affecter l'économie de la province entière.

Par ailleurs, plusieurs des 110 mémoires soumis demandent à la métropole de régler le problème de saturation des transports en commun au centre-ville.

Croissance soutenue

«Contrairement à ce que certains peuvent croire, le port de Montréal est en croissance continue», assurent ses gestionnaires dans leur mémoire de 10 pages. L'administration souligne que 2015 a marqué une année record, avec 32 millions de tonnes de marchandises traitées, soit 28% de plus qu'il y a 10 ans.

Le Port assure qu'il est faux de prétendre que plusieurs de ses terrains sont à l'abandon ou sous-utilisés. «De nos jours, il s'avère que tous les terrains sous la juridiction de l'APM sont utilisés ou loués.» La société fédérale dit même manquer d'espace. «Le besoin d'espaces additionnels pour supporter la croissance soutenue du trafic de marchandises demeure un défi de taille qui, depuis des décennies et jusqu'à ce jour, oblige le Port à se réinventer inlassablement dans chaque mètre carré qu'il occupe.»

Zones convoitées à oublier

Le Port s'inquiète ainsi des visées de la Ville sur certains de ses terrains, notamment la zone portuaire de part et d'autre du pont Jacques-Cartier. L'APM compare l'importance de ceux-ci à celle des pistes d'atterrissage de l'aéroport Montréal-Trudeau. «Les avions y transitent tous, sans exception, même s'ils n'y demeurent pas longtemps. C'est là en effet que se déroulent les manoeuvres d'assemblement et de morcellement des convois ferroviaires, lien quotidien essentiel entre les opérations du CN, du CP et celles de l'équipe de l'APM», poursuit-il dans son mémoire.

Quant au secteur Bridge-Wellington, aussi dans la ligne de mire de Montréal, l'APM souligne qu'il est le corridor de passage de 60% du trafic ferroviaire au port. «Ces deux exemples suffisent à faire comprendre l'extrême sensibilité d'envisager tout bouleversement des opérations portuaires et ferroviaires dans ces secteurs», peut-on lire.

Risque pour l'économie du Québec

«Montréal, avec sa zone portuaire, est une plaque tournante pour la logistique du transport de marchandises; elle joue un rôle crucial pour l'ensemble de l'économie du Québec et ne peut en aucun temps subir d'interruption ni même de perturbation importante de ses opérations, sans que toute l'économie de la province ne s'en ressente gravement», écrit le Port dans son mémoire.

L'administration portuaire y va même d'un avertissement à la Ville de Montréal. «Soyons clairs : l'APM, bien qu'elle désire faire preuve d'ouverture et de collaboration, a l'obligation, en vertu de son mandat, d'assurer la pérennité des installations sous sa garde. C'est la priorité qui dictera toute discussion future dans ce dossier.»

Saturation du métro

Plusieurs mémoires déposés font état de la saturation des transports en commun au centre-ville. L'Université Concordia plaide notamment pour le «désengorgement des lignes verte et orange et de certains circuits d'autobus [notamment le circuit 165]». L'établissement réclame également une réduction des interruptions de service dans le métro.

Voilà, loin de soulager les lignes de métro, les seuls projets sur la table risquent au contraire de les encombrer davantage, craint de son côté la Direction de santé publique de Montréal. «Les projets de transports collectifs lourds proposés [Réseau électrique métropolitain, métro vers Anjou et le SRB Pie-IX] pourraient augmenter la saturation du réseau au centre-ville», peut-on lire dans son mémoire. Celle-ci réclame ainsi la mise en place de voies réservées aux autobus et une augmentation du financement des transports en commun.

Un tramway réclamé

Constatant aussi la saturation des lignes de métro au coeur de Montréal, l'organisme Vivre en Ville propose de relancer le projet de tramway. Un trajet empruntant le boulevard René-Lévesque pourrait facilement s'intégrer, estime l'organisation. «Ce sont les lignes verte et orange du métro, en provenance de l'est, qui sont les plus congestionnées. Le Réseau électrique métropolitain n'est pas susceptible de répondre à ce problème. [...] Il existe un risque majeur pour la région de Montréal à concentrer toute son énergie sur le projet de REM.»

Les Alouettes craignent un blocage

Signe que la consultation publique ratisse large, même les Alouettes ont pris part à l'exercice. L'équipe de football dit craindre que la reconversion de l'hôpital Royal Victoria, vacant depuis le déménagement de ses activités au CUSM, ne lui nuise.

Les projets présentés risquent d'entraîner des «impacts négatifs» sur les activités du stade Percival-Molson. «Les Alouettes craignent que l'accès des piétons soit plus problématique, que la logistique soit plus complexe pour toutes les livraisons et le matériel requis pour les événements. De même, l'abandon de places de stationnement pourrait avoir un impact négatif. Ces stationnements sont complets les jours de match.»