Une quinzaine de cônes orange au milieu du boulevard Saint-Laurent, mais pas de travaux. Les automobilistes doivent composer depuis quatre mois avec un chantier inactif dans l'une des principales artères de Montréal en raison des difficultés à coordonner les différents services responsables. La Presse tente d'éclaircir comment une fuite d'eau mineure - et un trou de quelques mètres carrés à peine - est devenue un problème interminable à régler.

PETIT PROBLÈME DEVIENT GROS

Le 27 mai, une fuite d'eau survient sur le boulevard Saint-Laurent, à l'angle de l'avenue Laurier. L'arrondissement du Plateau-Mont-Royal dépêche une équipe de cols bleus sur place pour effectuer ce qui devait être une réparation de routine. Mais en faisant l'excavation du site, une pelle mécanique a abîmé un massif souterrain, une structure de béton servant à protéger divers équipements, comme les lignes électriques d'Hydro-Québec et les câbles téléphoniques de Bell. Résultat, une conduite abritant une ligne d'alimentation électrique a été endommagée. « À partir de ce moment, on a été obligés de tout arrêter », a expliqué Michel Tanguay, porte-parole du Plateau.

UN TROU, TROIS RESPONSABLES

Le bris du massif a entraîné une cascade de complications. D'un seul coup, la simple fuite est devenue le problème de trois organisations différentes, qui devaient alors coordonner leurs interventions afin que les Montréalais puissent retrouver leur boulevard Saint-Laurent : 

Hydro-Québec est responsable de la conduite d'alimentation endommagée ;

La Commission des services électriques de Montréal est responsable du massif dans lequel passe la conduite d'alimentation ;

L'arrondissement du Plateau est responsable des conduites d'aqueduc et de la chaussée.

CHANTIER INVISIBLE

En attendant que tout ce monde s'active, le Plateau a décidé de recouvrir le trou de deux plaques d'acier pour éviter un accident, ne sachant pas combien de temps il faudrait attendre avant que le tout soit réparé. Malgré cette protection, il a été jugé préférable d'interdire la circulation sur ces plaques en raison du nombre élevé de véhicules lourds utilisant le boulevard Saint-Laurent. Un corridor d'une quinzaine de cônes a été créé pour éviter que la protection ne cède sous le poids d'un véhicule et n'aggrave ainsi la situation. À noter, même si cette entrave routière est en place depuis maintenant quatre mois, elle n'apparaît pas sur le site Info-Travaux de la Ville de Montréal, puisqu'il s'agit de travaux imprévus.

PAS UNE PRIORITÉ POUR HYDRO-QUÉBEC

Informée le 31 mai du bris de sa conduite, Hydro-Québec a conclu que la réparation n'était pas prioritaire, puisque sa ligne d'alimentation n'avait pas été complètement sectionnée : le courant y circulait toujours même si les fils étaient à découvert. Avant de réparer la conduite, la société d'État a jugé préférable de transférer le courant sur une ligne de relève. Mais avant de mettre celle-ci sous tension, les protocoles d'Hydro-Québec prévoient qu'elle doit être inspectée. Comme rien n'est jamais simple, le puits d'accès à cette ligne de relève se trouve sur une propriété du Canadien Pacifique, qui devait ainsi donner son aval. C'est seulement en septembre, trois mois plus tard, que le transporteur ferroviaire a fini par donner son autorisation. Ce feu vert est toutefois arrivé trop tard...

UNE PANNE SALVATRICE

Dans la nuit du 4 au 5 septembre, la ligne d'alimentation électrique endommagée trois mois plus tôt est tombée en panne, plongeant dans le noir des centaines de bâtiments du secteur. Soudainement, la réparation est devenue prioritaire pour Hydro-Québec. « Évidemment, quand il y a eu panne, la situation devenait autre. On n'avait plus le choix », a dit un porte-parole, Ouali Fodil. La société d'État a alors abandonné son plan de ligne de relève pour installer plutôt une génératrice afin d'assurer le courant dans le secteur. La ligne endommagée a ainsi pu être mise hors tension et réparée. Ces travaux ont duré jusqu'au 22 septembre.

INTERVENTION ÉCLAIR...

Une fois les travaux de la société d'État terminés, il revenait à la Commission des services électriques de Montréal (CSEM) de se rendre sur place pour réparer le massif. Cette organisation paramunicipale, qui relève de la Ville de Montréal, s'occupe d'entretenir les conduites souterraines de réseaux câblés. Ses responsables disent avoir été avisés le 21 septembre par Hydro-Québec qu'ils pouvaient prendre le relais et effectuer leurs réparations. La CSEM dit avoir réussi à tout faire dès le lendemain, le 22 septembre. « Ç'a été complété la journée même et on a avisé en fin de journée un contremaître du Plateau que le chantier était à eux », a expliqué Philippe Sabourin, porte-parole de Montréal.

... SUIVIE D'UN IMBROGLIO

Le message semble toutefois s'être perdu, puisque l'arrondissement dit avoir appris seulement six jours plus tard que la CSEM avait terminé ses travaux. Le Plateau affirme l'avoir découvert en s'informant mercredi dernier auprès de la société paramunicipale de l'avancement de ses réparations. Le chantier se trouvant maintenant entre ses mains, l'arrondissement prévoit envoyer ses cols bleus sur place aujourd'hui pour réparer la vanne qui a provoqué la fuite le 27 mai. C'est à la suite de cette réparation que l'arrondissement pourra remblayer le trou et réasphalter la chaussée, ce qui devrait prendre au plus quelques jours. Du moins, espère-t-on. « On croise les doigts que tout aille bien », a dit un porte-parole du Plateau, Michel Tanguay.

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APPEL À TOUS

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