Depuis les modifications à la loi fédérale qui criminalise l'achat de services sexuels, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a arrêté près de 20 clients de prostituées... mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a choisi de déposer des accusations dans seulement le tiers de ces cas.

En 2016, le SPVM a arrêté 15 hommes pour achat de services sexuels, et en 2015, 4 clients ont été arrêtés, indique l'inspectrice-chef Johanne Paquin, responsable de la stratégie sur la prostitution et la traite de personnes au SPVM. La loi fédérale sur la prostitution a été modifiée à la toute fin de 2014 afin de criminaliser l'achat de services sexuels.

Comment expliquer, alors, que seulement sept dossiers ont fait l'objet d'accusations de la part du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)? «Soit les dossiers n'ont pas été retenus ou ont été retournés. Les dossiers sont évolutifs», se borne à dire Mme Paquin. Le porte-parole du DPCP, René Verret, souligne que certains de ces dossiers sont traités par les cours municipales, ce qui pourrait expliquer, en partie, ces chiffres.

À l'échelle du Québec, seulement 56 hommes ont été accusés par le DPCP d'achat de services sexuels, montrent des chiffres obtenus en vertu de la loi d'accès à l'information. «C'est la preuve que la loi n'est pas appliquée correctement», estimait la criminologue Maria Mourani dans nos pages il y a deux semaines.

Chose certaine, le SPVM dit vouloir mettre plus d'énergie dans l'arrestation de clients de prostituées. «Pour nous, 2014 a été une année charnière parce que la loi a changé, explique Johanne Paquin. On a formé les policiers sur la nouvelle loi pour leur expliquer comment ils devaient procéder au niveau des clients. Il a fallu démêler le rôle de tout le monde.»

«Interventions massives» au Grands Prix

Au cours des deux derniers Grands Prix de Formule 1, la police a fait des «interventions massives», indique Mme Paquin. Les policiers étaient présents dans la majorité des endroits où il était possible d'acheter des services sexuels. Résultat: sept arrestations en 2015. Mais le DPCP a déposé des accusations dans seulement quatre de ces cas.

Cela dit, même si la loi a changé, les priorités du SPVM concernent les mêmes enjeux sur le plan de la prostitution: l'exploitation sexuelle des mineures, la prostitution de coercition et la cohabitation dans les quartiers sensibles.

«On en a beaucoup sur notre assiette au SPVM. Il faut des orientations précises. Oui, il faut arrêter des clients, mais ça prend une capacité d'interventions sur le terrain. Si on fait une intervention et qu'il y a un client, on ne passe pas à côté, mais de là à dire qu'il y a des policiers qui font la chasse au client dans tous les postes de quartier, la réponse est non.»